LE MISANTHROPE ou l'Atrabilaire amoureux
Théâtre de l'Œuvre
55 rue de Clichy.
75 009 Paris
Réservations: 01 44 53 88 88
Jusqu'au 29 juin
Du mardi au samedi à 20h30
Matinées samedi à 17h00, dimanche à 16h00
Photo Marcel Hartmann
Je n'ai pas toujours adhéré à l'univers particulier de Michel Fau.
Mais ici son sens du baroque, de l'outrance, du surréalisme fait merveille et il nous livre une version du misanthrope qui certainement fera date.
Assurément ce rôle d'Alceste semble avoir été écrit pour lui tant il nous le livre dans ses moindres sentiments, tant il EST cet « atrabilaire amoureux » avec toutes les nuances que cette expression implique.
Malheureux, en colère, incapable de surmonter l'hypocrisie de son siècle, le visage blanc de fard, le cheveu lisse et raide contrairement aux autres personnages très emperruqués comme pour bien souligner qu'il faut l'accepter comme il est, sans faux-semblants, « l'homme aux rubans verts » déclame, murmure, laisse planer des silences, s'énerve, est exalté puis abattu, souffre, crie, se plaint. Un Alceste d'anthologie qui fait rire et émeut.
Si Michel Fau comédien est ici impressionnant, le metteur en scène l'est tout autant.
Les comédiens dans un jeu très cadré qui donne à entendre comme jamais la musique des mots avec des entrées et sorties hyper théâtralisées et un minimum de déplacements, jouent tous leur partition sans fausse note. Julie Depardieu apporte beaucoup de sensibilité à une Célimène plus blessée que frivole, Édith Scob nous enchante dans la peau d'une Arsinoë toute en perfidie distillant son venin avec élégance, Jean-Pierre Lorit campe un Philinte loin de l'habituel ennuyeux, et tous les autres à l'unisson d'un travail vertigineux et rigoureux.
Tout est soigneusement étudié, préparé, réalisé, le décor avec sous un énorme soleil baroque et derrière une toile représentant le jugement dernier de Jérôme Bosh deux portes de palais en perspective encadrant une banquette, les superbes costumes où abondent en superpositions, ruchés, plissés, dentelles et rubans très colorés – seuls Philinte le sérieux et Célimène la jeune veuve sont en noir – tout est là pour emmener le spectateur dans une promenade très grand siècle.
C'est un Misanthrope certainement au plus près de la création de Molière, en tout cas comme on peut se l'imaginer.
Michel Fau touche ici à l'essence même du spectacle, celui capable de nous faire rire alors qu'on devrait pleurer, de nous faire sentir cachées sous le masque de l'humour la cruauté et la noirceur d'une société intemporelle.
La fin est sublime, tous sentiments exacerbés, qui pourrait être un final de tragédie.
Comediante tragediante.
Nicole Bourbon
Le Misanthrope ou l'Atrabilaire amoureux de Molière
Mise en scène Michel Fau, assisté de Damien Lefèvre et Davy Vetter
Avec :
Julie Depardieu : Célimène
Michel Fau : Alceste
Édith Scob : Arsinoé
Jean-Pierre Lorit : Philinte
Jean-Paul Muel : Oronte
Laure-Lucile Simon : Éliante
Roland Menou : Clitandre
Frédéric le Sacripan : Acaste
Fabrice Cals : Du Bois