Artiste associé au « Centquatre » (lieu situé à Paris dans le XIX ème) Bertrand Bossard peut explorer, imaginer, innover. Le voilà qui se penche sur cette vénérable institution qu'est le « Jeu des Mille Euros ». Les noms de Henri Kubnick, (le créateur) ou Lucien Jeunesse, Maurice Gardett, Roger Lanzac, Louis Bozon et à présent Nicolas Stouflet (les animateurs successifs) doivent être doux à son oreille, de même que la mécanique de cet inusable jeu de France-Inter pour qu'il lui consacre un spectacle. Drôle d'idée me direz-vous…et me suis-je dit, dans la foulée.

Même s'il y a une magie de l'ancien, une odeur d'enfance qui accompagne cette longue litanie de villes  (grandes ou petites) traversées par l'homme aux questions bleues (3) blanches (2) et rouge(1), si l'émotion peut naître de ces candidats du cru qui se succèdent, quoi faire à partir d'un jeu radio ? Il y a déjà un déroulé bien établi, un suspense, des rites et un son (le fameux métallophone qui égrène les secondes). Bertrand Bossard a donc choisi, pour une part, de respecter le protocole et de nous montrer un faux jeu, situé à Aubervilliers, ville où le spectacle se joue. En dépit de ses intentions, nous restons sur notre faim : d'abord parce que les spectateurs, si enthousiastes soient-ils, n'arrivent pas à oublier qu'ils sont au théâtre et non dans une salle des fêtes à applaudir des candidats locaux. Ensuite, parce que le jeu est fort et il est difficile de le faire dévier de sa ligne. Après sélection, restent deux candidates, dont une comédienne. Quant au rôle du joueur de métallophone, il est soigneusement  « choisi » et revient au comédien qui était prévu pour. Deux morceaux de bravoure, deux scènes à faire, interrompent la mécanique du jeu : d'abord, une candidate craque sur la question concernant Goethe. Et le métallophoniste pète lui aussi un câble (ça commence à faire beaucoup) de ne pas se voir reconnu à sa juste valeur. A part ça, Bossard a enchâssé sont travail entre un début apocalyptique (où le Jeu des mille euros n'existerait plus !) et une fin étrange où les lobes du cerveau de Gilles Deleuze prennent la parole. 

Bon travail des comédiens, qui se donnent à fond pour faire vivre leurs personnages. Des moments touchants ou drôles, il y en a…mais on peut déplorer qu'ils ne soient pas plus nombreux. De même, il aurait peut-être fallu délirer plus, s'emparer d'un jeu sans lui être aussi fidèle. Glisser davantage de comparses dans la salle, que ce spectacle qui se dit interactif…le soit vraiment.

À voir, donc, si vous êtes accros au Jeu des mille Euros,  fans de Deleuze ou amateurs d'OVNI  théâtraux. Cela risque quand même de faire du monde.

Gérard Noël

 

Le jeu des 1000 euros

De Bertrand Bossard, aussi metteur en scène.

Avec Bertrand Bossard, Vincent Berger, Louise Belmas, Benjamin Farfallini.

Assistante à la mise en scène : Fanny Gayard
Collaboration artistique et dramaturgie : Marion Richez.
Scénographie : Damien Villiere.
Lumières : Claire Gondrexon.
Son : Laurent Sellier et Christophe Hauser.
Costumes : Tania Shebabo Cohen.
Vidéos : Quentin delaroche.
Composition du morceau La complainte du métallophone : Bertrand de la Simone.