Theâtre de la Madeleine
19 rue de Surène
75008 PARIS
01 42 65 06 29
Tous les jours, sauf dim, lun) à 21h. Dim 16h.
Comme dans « la danse de mort » de Strindberg, le début de la pièce est lent, répétitif et l'action (si l'on peut dire) intervient peu à peu. Elle se noue avec le retour du fils chez ce couple âgé, derniers habitants ou presque, d'un petit village norvégien.
Jon Fosse, auteur né en 1959 est marqué par son pays, par ces terres glacées, ces nuits qui tombent vite, ces personnages « taiseux » qui se nourrissent de silence et poussent devant eux quelques phrases, comme pour occuper l'espace. À moins que ce ne soit pour lutter contre une déprime toujours proche. On pense à Becket, aussi, dans cet échange du début sur la nuit qui est de plus en plus sombre. En filigrane, le vieux couple évoque un fils dont ils ne savent pas
où il est mais qui aurait, peut-être, fait de la prison. L'événement, ici, c'est le passage du car, midi et soir. Et voilà justement qu'il arrive, le car et qu'il ramène le jeune homme. Retrouvailles, gêne. La question de l'incarcération du fils resurgit, étayée par les propos du vieux voisin qui s'est invité à son tour. Dispute entre l'accusateur et l'accusé et ce qui s'ensuit.
Le problème, ici, n'est pas dans la superbe toile peinte du décor, pas plus (et encore) dans ces fauteuils couverts de cretonne ou dans l'abat-jour bourgeois de la lampe. Non. C'est plutôt, pardon Jacques Lassalle, le choix de mise en scène : peut-on jouer de façon psychologique, avec modulation et déplacements « signifiants » un texte qui, de l'aveu même de l'auteur, ne prétend pas raconter une histoire. L'écriture de Fosse est incantatoire, poétique, elle joue sur les
blancs, sur ces phrases que l'on ressasse : les mots font peu avancer l'action, apportent des informations vagues que l'on répète comme pour mieux s'en convaincre. Fosse est un peu un Maeterlinck nordique. Le talent de Michel Aumont et de Catherine Hiegel n'est pas en cause, bien sûr. Ils font ce qu'ils savent faire et le font bien, mais cette approche risque de décevoir les fans de Fosse sans pour autant combler ceux qui viennent voir une pièce « normale », qui va les prendre par la main pour les embarquer dans
une fiction palpitante. L'essentiel est ailleurs : dans la solitude des personnages, dans la force de la parole qui, vu l'isolement, crée la vérité dans la mesure où il n'y a personne pour prouver une chose ou dire son contraire. Le drame, car c'en est un, vient de là. La mort d'un personnage est évacuée assez vite. Tout retombe à la fin, dans la situation initiale, mais en pire.
Saluons, au passage, deux interprétations différentes, mais efficaces : le personnage rugueux et buté du fils, joué par Stanislas Rochette et surtout Jean-Marc Stehlé qui a le talent pour transcender son rôle et son texte en leur donnant un naturel époustouflant.
Gérard NOEL
Le fils
Une pièce de Jon Fosse
mise en scène de Jacques Lassalle
avec Michel Aumont, Catherine Hiegel, Stanislas Roquette, Jean-Marc Stelhé.
Décor : Jean-Marc Stéhlé et Catherine Rankl.
Lumières : Franck Thevenon.
Son : Julien Dauplais.
Costumes et accessoires : Arielle Chanty.
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