LE DERNIER JOUR DU JEÛNE
Théâtre des Amandiers
7, avenue Pablo Picasso
92000 Nanterre
01 46 14 70 00
Jusqu'au 6 avril 2014
Mardi, mercredi, vendredi et samedi 20h,
jeudi 19h30 et dimanche 15h30
Photo Antoine Agoudjian
C'est d'abord une histoire de femmes. « On est entre filles » répètent-elles, toutes générations confondues, sur le ton de la confidence. Mais derrière leur complicité et leurs colères contre la défaillance, l'abrutissement et parfois la violence des hommes, c'est une histoire universelle qui se trame : une véritable tragédie classique, dont on devine à l'avance l'issue funeste. Elle mêle l'amour conjugal et l'amour filial, le désir chaste et le désir sexuel, la soif de vivre, la trahison, le drame et l'abjection, le tout dans une atmosphère méditerranéenne aux accents prononcés, qui interpelle les « couillons » d'un côté et autres « fadas » de l'autre sur des airs de rebétiko.
On ne saurait reprocher à l'auteur et metteur en scène Simon Abkarian de manquer d'ambition tant le théâtre qu'il porte veut tout faire à la fois, mêlant la tragédie et la comédie et passant des rires aux pleurs et de la drôlerie à l'émotion avec autant de légèreté que de profondeur. Son écriture, alternant les paroles métaphoriques (« La journée qui s'annonce ne galope-t-elle pas déjà dans la gorge des oiseaux ? »), et les paroles crues du langage populaire, ne tombe jamais réellement dans l'affectation, pas plus que dans la vulgarité ; elle est même d'une réjouissante liberté qui ne s'interdit rien. Et les comédiens ne s'y trompent pas qui, chacun bien défini dans son personnage, donnent vie à cette histoire : sont particulièrement épatants Ariane Ascaride dans le rôle central de la mère, Marie Fabre dans celui de la voisine déjantée, Judith Magre en sage-folle, David Ayala en boucher truculent et Cyril Lecomte en jeune homme au verbe haut mais au cœur plus sensible qu'il n'y paraît.
Le risque était de vouloir trop en faire. Les parcours s'entrecroisent et il est vrai que l'intrigue se disperse parfois, à l'image des décors qui virevoltent très rapidement d'une scène à l'autre. Mais le mélange des genres et des registres, quelque part entre Pagnol, Shakespeare et Emir Kusturica, finit par emporter les spectateurs avec quelques beaux moments de grâce comme au début du cinquième acte. Nul doute que cette pièce est amenée à prendre une dimension supérieure puisqu'elle s'inscrit dans un projet plus vaste, inauguré avec Pénélope ô Pénélope créée en 2008 à Chaillot, et qui devrait connaître un troisième volet. On a hâte de voir Simon Abkarian réussir son pari.
Frédéric Manzini
Le dernier jour du jeûne
De Simon Abkarian
Mise en scène Simon Abkarian
Collaboration artistique Pierre Ziadé
Scénographie Noëlle Ginefri Corbel
Lumière Jean-Michel Bauer
Son Antoine de Giuli
Costumes Anne-Marie Giacalone
Avec
Simon Abkarian (Theos), Ariane Ascaride (Nouritsa), David Ayala (Minas), Marie Fabre (Vava), Cyril Lecomte (Aris), Judith Magre (Sandra), Océane Mozas (Zéla), Clara Noël (Sophia et Elias), Chloé Réjon (Astrig), Igor Skreblin (Xenos)