LE CHIEN
Théâtre Rive-Gauche
6 rue de la Gaîté
75014 Paris
Tél. 01 43 35 32 31
Jusqu’au 14 octobre
vendredi & samedi à 19h00
À partir du 17 octobre jusqu’au 26 décembre 2017
mardi à 19h00 & dimanche à 18h00,
Sur scène, quatre cubes gris, et deux hommes qui ne se regardent pas. Ils ne sont pas, ils ne sont plus dans le même univers. Le premier raconte l’histoire de leur rencontre. Nous apprenons ainsi que le second est un médecin de quatre-vingts ans qui vient de se donner la mort tout, cinq jours seulement après celle de son chien écrasé par un camion.
Le narrateur se présente comme étant écrivain, a la cinquantaine, il dégage une sobre nonchalance, il est en costume, chemise au col déboutonné, sans cravate. Mais il ressemble à un rocker des sixties, ses cheveux coiffés “banane” contrastant avec sa tenue classique, soignée, et sa diction posée, distanciée. Il raconte ainsi comment les villageois disent avoir toujours vu leur bon médecin, durant un demi siècle, accompagné de son fidèle beauceron. En réalité, il ne s’agissait pas du même animal, mais de plusieurs, identiques, qui se sont succédé. De toute évidence le Docteur Heymann était un solitaire taciturne qui préférait la compagnie de son chien à celle de ses congénères. Sans donner d’explication, se murant dans le silence sur son passé, il s’était entouré d’un épais mystère que même sa fille unique n’avait pu percer.
Et c’est en fin de compte justement pour elle, de l’au-delà, que le disparu se décidera à prendre la parole pour révéler son lourd secret, sa terrible souffrance, la blessure qui remontait à son enfance perdue lors de la déportation de toute sa famille à Auschwitz.
Patrice Dehent est très touchant dans son interprétation émouvante, sobre et intense de la douleur de ce docteur qui se souvient et dévoile en finesse une cicatrice profonde jamais refermée, mais durablement atténuée, grâce à ce chien salvateur, noble et bon animal qui a su faire preuve de plus d’humanité et de générosité que bon nombre d’hommes.
Le texte est beau, poignant par moments, c’est évident, il sait faire Éric-Emmanuel Schmitt ! La mise en scène peut sembler étrange, mais elle va à l’essentiel et a le mérite d’être épurée, car faite d’une succession de très longs monologues des deux excellents comédiens, si différents, qui s’évitent, tour à tour assis, ou tournant autour des cubes, qui évoluent lentement, dans des dimensions parallèles, sur le même plateau.
De tout cet épurement se dégage un ressenti de simplicité qui va droit à l’essentiel : la corde sensible de nos sentiments. Nous en ressortons émus, cœurs en écharpe, avec l’irrépressible envie d’adopter un chien tout de suite, en urgence…
Luana Kim
Le Chien
De : Éric-Emmanuel Schmitt
Mise en scène : Marie-Françoise Broche, Jean-Claude Broche
Avec : Mathieu Barbier, Patrice Dehent
Mis en ligne le 2 octobre 2017