LE CAS JECKYLL

Vendredi 1° avril et samedi 2 avril au Théâtre de l'Agora d'Evry (91)

 

Quelle est cette forme bizarre qui progresse vers nous sur deux cannes, dans l'ombre ? Un homme? Un monstre? Un comédien?

Peu à peu mis en lumière, le docteur Jekyll déjà mister Hyde dans sa forme, nous propose un préambule très détaché, un peu long à mon sens, où il confesse la folle ambition qui l'a poussé à expérimenter sur sa propre personne cette dualité, fabriquant un autre lui-même sous la forme d'une créature libérée de tout sens moral.

Puis nous pénétrons « chez lui ». La description qu'il nous fait oralement est à l'inverse de ce que l'on voit. La scénographie de son « home » nous montre un interieur blafard, tout est sale, usé et sent la poussière, alors qu'il nous parle d'une maison coquette ! Est-il déjà passé au-delà ?

La suite de l'histoire est connue. Mais ce n'est pas ce qui nous captive, non.

 Non, ce qui nous interesse, c'est comment le comédien va s'y prendre, à travers la mise en scène, pour nous montrer la métamorphose progressive de Jekyll en Hyde. Et c'est là, à mon sens la force de ce spectacle. Prenant sans cesse le contrepieds du texte, Denis Podalydès nous joue les passages un peu « gore » avec une drôlerie inattendue. Quelques rires fusent dans la salle  étonnée de cette prise de risque. Mais comme elle est faite avec son talent qui est immense, la proposition fonctionne. De sa voix haut perché et presque juvénile parfois, contrastant avec cette main, puis ces deux mains et enfin le torse poilus, il nous fait accepter l'innéluctable de la métamorphose. La fin du spectacle, particulièrement émouvante, consiste en un dialogue entre Jekyll et Hyde, ce dernier ayant pris le pouvoir.

Pour avoir déjà vu Denis Podalydès dans le fameux « Revizor » qui lui valut un Molière en 1999, j'ai retrouvé toute sa capacité à nous proposer une forme, une corporalité inattendues et des postures étranges. C'est peut-être ce qui fait toute son originalité de comédien et tout son talent aussi.

Un spectacle à voir moins pour le texte lui-même que l'interprétation qui en est donnée.

 

Jean-Michel Beugnet

 

Texte : Christine Montalbetti d'après Robert-Louis Stevenson

Mise en scène et interprétation : Denis Podalydès

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