LE BOURGEOIS GENTILHOMME

Théâtre de la Porte Saint-Martin
18 Boulevard Saint-Martin
75 010 Paris
+33 1 42 08 00 32
Jusqu'au 27 mai
Du mardi au vendredi à 20 h, samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h

Voilà une façon intelligente de dépoussiérer les classiques  sans les dénaturer.

Catherine Hiegel  fait ici un sans-faute, créant un Bourgeois gentilhomme complètement dans l’esprit de Molière dans une mise en scène joyeuse et colorée d’un modernisme inspiré.

Cette pièce représentée pour la première fois le 14 octobre1670, sur commande du roi Louis XIV qui voulait une turquerie, genre fort à la mode à ce moment-là, allie théâtre, musique et ballets.

Elle nous présente un personnage, Monsieur Jourdain, victime d’une propension démesurée à gagner une classe sociale qui n’est pas la sienne. Il essaie donc maladroitement de copier ceux qu’il prend comme modèle, ne comprenant pas que la noblesse ne consiste pas dans un déguisement, mais dans l’élégance naturelle des gestes, de l’attitude et du propos.

L’un des effets comiques les plus constants réside dans ce perpétuel décalage entre ce que M. Jourdain veut paraître et ce qu’il est.

C’est ce que François Morel rend parfaitement. Il se dandine, grimace, massacre joyeusement  une danse aussi exquise que le menuet en l’exécutant avec  le balancement d’un plantigrade, effectue sa leçon d’escrime avec raideur et maladresse.

Comme à son habitude Molière a voulu instruire en faisant rire : son personnage est naïf et ridicule.

C’est un personnage de théâtre caricatural qui conserve cependant dans le même temps assez de vérité humaine pour ne pas se comporter comme une marionnette.

Et c’est là que le pari est réussi. Ce Monsieur Jourdain-là, ridicule, grotesque mais aussi  naïf et enfantin nous fait rire en même temps qu’il nous touche par sa candeur d’enfant. On le voit perdre le sens des réalités pour se réfugier dans un monde imaginaire.

Dans un décor de toiles peintes de motifs champêtres où trônent au premier plan des fontaines en cascades, clin d’œil aux jardins de Versailles, des musiciens sont installés sur une petite tournette.

Foin des superstitions théâtrales : leurs habits sont verts !

Comme à l’origine, les musiques sont jouées en direct et accompagnées de ballets, pas du tout classiques mais plutôt  assez acrobatiques.

La pièce de Molière se termine par une farce énorme, la fameuse turquerie voulue par le roi.

Catherine Hiegel  ne déroge pas à la tradition et cette mascarade devient complètement délirante jusqu’à ce que Monsieur Jourdain s’envole dans les airs.

C’est l’apothéose finale, la démonstration comique et théâtrale de la folie qui isole définitivement M. Jourdain et le fait montrer du doigt.

Les interprètes sont tous à la hauteur, j’ai particulièrement apprécié la prestation d’ Alain Pralon qui campe un maître de philosophie d’anthologie.

Voilà un spectacle que les jeunes devraient courir voir afin de découvrir que l’on ne s’ennuie pas forcément en voyant des œuvres classiques.

 

Nicole Bourbon

 

Le bourgeois gentilhomme

de Molière
Musique de Jean-BaptisteLully

Mise en scène : Catherine Hiegel

Avec François Morel, Marie-Armelle Deguy, Emmanuel Noblet, Alain Pralon, Stephen Collardelle, Héloïse Wagner, Camille Pélicier, Gilian Petrovski, David Migeot, Géraldine Roguez, Eugénie Lefebvre, Anicet Castel, Frédéric Verschoore, Joss Costalat, Romain Panassié, Olivier Bioret + 5 musiciens.