L’AVARE
Théâtre Dejazet
41 boulevard du Temple
75003 - PARIS
01 48 87 52 55
Jusqu’au 2 janvier 2016
Du mardi au samedi à 20h00
Dimanche 14h30
Martinelli, Weber, deux noms qui furent avec Planchon et Maréchal à l’origine de ma passion pour le théâtre, petite Lyonnaise que j’étais. Les riches heures de Lyon pendant presque 25 ans, avec dès 1959 Planchon au théâtre de la Cité qui deviendra le TNP, Maréchal au théâtre du 8ème à partir de 1968 jusqu’en 1975, lieu que Weber dirigera de 1979 à 1985 et Martinelli au théâtre du Point du jour de 1987 à 1993.
C’est donc avec une émotion toute particulière que je me dirige vers le si joli théâtre Dejazet, unique rescapé du célèbre Boulevard du crime, où rôdent tant d’ombres célèbres et que Jean Bouquin a ressuscité et continue de faire vivre, obstiné et passionné sous sa crinière blanche.
Dans un décor sobre tout en belles boiseries qui ferment l’espace avec des persiennes permettant de beaux jeux de lumière, Martinelli situe judicieusement l’action de nos jours, époque où l’argent est roi, avec entre autres un La Flèche (excellent Gilles Vajou) qui prend des allures de parrain italien et nous présente un Harpagon inhabituel, loin de la farce où on le cantonne habituellement, sans trépignements ni hystérie. Un être entièrement dévoré par sa passion jusqu’à ne vivre que pour elle, maltraitant domestiques et enfants, mais un être aussi détesté, moqué et dramatiquement seul.
À ce jeu-là, Weber qui n’a jamais autant été le grand Jacques, est tout bonnement prodigieux, faisant avec une parfaite maîtrise ressortir toute la complexité du personnage. Tour à tour matois, despote, méprisant, puissant, anéanti, effondré, il déploie sa grande carcasse avec une vigueur non dénuée d’élégance, éructe, minaude, tempête, grimace, joue le vieux beau, s’écroule avec toujours la même justesse. Dans la fameuse Scène 7 acte III dite de la cassette, il est étonnant, loin des interprétations clownesques habituelles, il parvient même à nous émouvoir.
Le reste de la distribution est à l’avenant, où on retrouve avec plaisir une Christine Citti qui nous avait éblouis dans Je ne serai plus jamais vieille mise en scène déjà par Martinelli. Elle campe ici une Frosine pulpeuse et finaude à souhait.
Le cinquième acte, virevoltant et mené à un train d’enfer, se clôt sur une image dramatique d’Harpagon, clin d’œil sans doute à la fin de Molière.
Cet Avare là, à la fois joyeux, féroce et tendre et surtout terriblement humain, est un grand cru qui fera date, à ne manquer sous aucun prétexte.
Nicole Bourbon
L’Avare
De Molière
Mise en scène de Jean-Louis Martinelli.
Avec : Jacques Weber (Harpagon), Alban Guyon (Cléante), Sophie Rodrigues (Élise), Rémi Bichet (Valère), Marion Harlez-Citti (Marianne), Jacques Verzier en alternance avec Gilles Vajou(La Flèche), Christine Citti (Frosine), Vincent Debost (Maître Jacques), Azize Kabouche (le seigneur Anselme), Paul Minthe (le commissaire et Maître Simon)
Scénographie Gilles Taschet
Lumières Marc Skatchko
Costumes Ursula Patzak
Mis en ligne le 19 octobre 2015