LA VIE DE GALILÉE |
Lucernaire, centre national d'art et d'essai. Dans l'histoire de Galilée, c'est l'injustice qui lui fut faite qui choqua Brecht. Et on le comprend. Il y a dans ce refus de la science dû aux autorités religieuses, un côté terrible. Brecht a signé là une œuvre testamentaire : il y traite du pouvoir (politique ou religieux) face au savant, à l'inventeur. Au progrès. Galilée a le mérite de remettre en question le savoir qui est écrit dans les livres ; Copernic est son maître et il s'oppose aux théories d'Aristote. Perfectionnant le télescope, invention hollandaise, il s'intéresse aux satellites de Jupiter, à la rotation du soleil et ose dire que c'est la terre qui tourne autour du soleil et non pas l'inverse. Scandale. La pièce de Brecht ne nous cache rien de ses certitudes, de son enseignement, de ses élèves et disciples. Elle montre ses difficultés avec les autorités, comment pour pouvoir faire ses recherches en paix, il avait besoin d'argent. Le procès que lui fait l'Inquisition est un peu écourté mais on voit un malheureux Galilée finir sa vie en résidence surveillée. Ne manque que la fameuse réplique « Et pourtant elle tourne !» qu'il aurait, dit-on prononcée en 1633, à l'issue de son procès. Voilà pour l'auteur et le sujet. Mais on sait qu'en théâtre, il y a surtout la façon de faire et ce n'est rien de dire que celle de Christopher Luthringer est heureuse. Brecht lui-même ne répugnait pas au mélange des genres, du théâtre sérieux avec du cabaret ou de la pantomime, voire de la comédie musicale. Cette leçon n'a pas été perdue et nous assistons à un joyeux traitement : dans un décor épuré, une simple malle géante multifonctions, les comédiens s'ébrouent et se déguisent. Ils ont plaisir à jouer, les moments graves comme les passages de pur délire. Rien n'est gratuit. Les cabrioles, détournements, et autres gags sont au service de l'histoire et du message : vous qui avez, peut-être gardé un piètre souvenir d'une mise en scène façon pensum, voici qui pourrait vous réconcilier avec le cher Brecht. Régis Vlachos a l'autorité et le côté éperdu de Galilée comme on l'imagine. Dans les rôles d'Andréa, de la duchesse, voire du « cauchemar », Charlotte Zotto est fine et inspirée. Se renouvelant à chaque fois, Philippe Risler et Aurélien Gouas empruntent à la commedia Del Arte, à l'art du cirque pour défendre leurs personnages (trésorier, moine, évêque ) et nous faire rire en même temps. Un narrateur est également présent, sobre, juste comme il faut. Il y a des échanges avec le public et aussi quelques chansons. On apprend des choses au passage et on sort de là content et curieux en même temps. Une soirée recommandée, donc.
Gérard Noël
La vie de Galilée de Bertolt Brecht Avec Régis Vlachos, Charlotte Zotto, Aurélien Gouas, Philippe Risler, Jean Christophe Cornier en alternance avec Gilles Vincent Kapps. Et les voix de Christophe Alévèque, Françoise Cadol et Pierre Dourlens. Scénographie : Juliette Azzopardi
|