LA RONDE |
Aktéon théâtre À sa parution l'uvre d'Arthur Schnitzer avait fait scandale. Depuis on ne compte plus les adaptations qui en ont été réalisées. Le jeune metteur en scène Ronan Viard s'en empare ici avec un plaisir et une gourmandise évidents dans une version esthétiquement sensuelle. L'histoire est connue : dix personnages en couple se succèdent selon un processus volontairement répétitif, dans un jeu de séduction qui débouche sur un rapport sexuel, puis sur une rapide séparation. Ronan Viard lui a donné les couleurs de notre temps, il a savamment désorganisé l'ordre d'apparition initial pour faire s'enchevêtrer les rencontres tout en conservant le principe de ce drôle de carrousel érotique. Les couples se forment pour mieux se reformer avec un autre partenaire, mais gardent en mémoire leur aventure précédente. Ou alors l'action se termine dans le même temps que l'autre se noue. C'est diaboliquement malin et doublé d'une volonté de magnifier ce cercle infernal : les comédiens et comédiennes, parfaitement dirigés, sont beaux qui se déshabillent avec grâce, les gestes très étudiés dans des chorégraphies voluptueuses, les costumes ravissants. Entre réalité et fantasme, c'est léger et fascinant à la fois dans un jeu du chat et la souris plus actuel avec des amours saphiques et la prostituée d'origine transformée en travesti, véritable exposition de notre société avec ses rapports parfois violents entre les êtres, entre les classes, entre les sexes. C'est réellement un beau et intéressant travail que nous présente là cette jeune troupe, donnant une belle résonnance à ce qu'écrivait Schnitzler : « De tout l'hiver, je n'ai écrit qu'une suite de scènes parfaitement impubliable et sans grande portée littéraire, mais qui, si on l'exhume dans quelques centaines d'années, jettera sans doute un jour singulier sur certains aspects de notre civilisation.»
Nicole Bourbon
La ronde d'Arthur Schnitzler Compagnie Jabberwock Avec Déborah Durand, Franck Leroux, Aurélie Noblesse, Danilo sekic, Loren Troubat, Ronan Viard Chorégraphie Marie-Pierre Pirson Scénographie Stéphanie Rapin
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