LA REPRISE – HISTOIRE(S) DU THÉÂTRE (I)

Vu à Nanterre Amandiers

Avec le Festival d’Automne à Paris

 

En tournée au Lieu Unique, à Nantes

Du 9 janvier au 11 janvier 2019, à 20h30

Réservations : 02 40 12 14 34

 

loupe Photo Copyright Hubert Amiel

Comment reprendre la réalité et ne pas la répéter ? Milo Rau, metteur en scène suisse, connu pour travailler à partir d’un matériau documentaire, s’interroge sur la façon de représenter ce crime homophobe qui a engendré la mort d’Ihsane Jarfi, en 2012, à Liège.

Ses deux totems semblent Histoire(s) du cinéma de Godard ainsi que la définition de La Reprise du philosophe Kierkegaard. Avec ce spectacle, Milo Rau, directeur artistique du NTGent, initie un cycle collectif où, à chaque saison, un autre chapitre de l’Histoire du théâtre sera confié à un artiste ou à un groupe.

Dans le cadre de sa nouvelle fonction, Milo Rau a écrit un manifeste sous forme de dix règles qu’il tente d’appliquer ici – deux acteurs non professionnels sur scène, au moins deux langues différentes sur le plateau. Ainsi, les rôles de la mère d’Ihsane Jarfi et de l’un des meurtriers sont incarnés par des amateurs, ayant tous deux joué comme figurants pour les frères Dardenne. Leur origine sociologique fait écho à la situation économique et sociale des tueurs, tous chômeurs. Kierkegaard distingue la répétition d’une action passée à la reprise, où il s’agit de donner du sens à l’action passée. Milo Rau s’intéresse moins au crime, à l’homophobie qu’au pourquoi notamment par une approche sociologique.

Comment représenter sur un plateau ? Ce spectacle est fait de ce qui a été pensé comme représentation et ce qui a été fait pour qu’il y ait représentation. Les comédiens évoquent leur rencontre avec les meurtriers d’Ihsane Jarfi. Les auditions des comédiens amateurs sont également représentées. Milo Rau désacralise, ce qui est sur scène ne semble plus un mystère. Pourtant, les comédiens rejouent la scène de la rencontre entre les futurs meurtriers et le jeune homme, le dérapage dans la voiture qui va conduire au meurtre dans la forêt. La construction de cette réalité ne fonctionne pas, nous ne croyons pas à ce sang, à ces coups. Le décalage avec la réalité a peut-être été pensée comme tel mais les spectateurs, à ce moment de la représentation, ont envie d’éprouver, d’être empathiques, sentiment qui n’advient pas. Là est peut-être la limite du questionnement sur la « reprise ».

Les idées et leur réalisation sont intéressantes et captivantes. L’entremêlement des différents matériaux – documentaire, fictif, témoignages personnelles – est incroyablement réussi. Toutefois, nous pensons mais éprouvons peu. N’est-ce pas là également une raison d’être du théâtre ?

Alexandra Diaz

 

La reprise. Histoire(s) du théâtre (I)

Conception et mise en scène Milo Rau / IIPM

Avec Tom Adjibi, Sara de Bosschere, Suzy Cocco, Sébastien Foucault, Fabian Leenders, Johan Leysen

Dramaturgie et recherches Eva-Maria Bertschy
Collaboration dramaturgique Stefan Bläske, Carmen Hornbostel
Scénographie & costumes Anton Lukas
Vidéo Maxime Jennes, Dimitri Petrovic
Direction technique Jens Baudisch
Lumières Jurgen Kolb

Production Mascha Euchner Martinez, Eva-Karen Tittmann
Assistante mise en scène Carmen Hornbostel
Décor et costumes Ateliers du Théâtre national Wallonie-Bruxelles

 

Mis en ligne le 5 octobre 2018