LA MISSION

Théâtre de la Colline
15 rue Malte Brun 
75020 PARIS
01 44 62 52 52

Jusqu’au 30 novembre à 20h30, sauf le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30

 

 

La Mission s’inspire d’un fait réel historique : l’envoi d’émissaires de la révolution française en Haïti pour fomenter la révolte des esclaves dans cette colonie britannique et le contrordre qu’ils reçoivent en route, car Napoléon vient de rétablir l’esclavage dans les colonies. Mais le texte de Heiner Müller ne fait que s’appuyer sur cette trame pour traiter de l’effroyable soumission des humains aux ordres supérieurs quels qu’ils soient. Il intègre même à sa pièce le long monologue d’un cadre de notre temps, enfermé dans un ascenseur qu’il ne maîtrise pas, qui doit se rendre à une convocation supérieure dans un bureau qu’il ne connaît pas. Une tragédie sans personnages, sans oracles ni destin, comme si la machine seul décidait.

Ils sont trois émissaire : un ancien esclave noir joué par Jean-Baptiste Anoumon, un fils de paysans interprété par Claude Duparfait et celui qui les dirige, fils de colon, interprété par Charlie Nelson. C’est dans le crâne de ce dernier que se déroule le combat moral de la pièce, entre rêve de changer le monde et réalité de ses soumissions aux ordres et aux nécessités de la vie.

Ce théâtre de Heiner Müller est hautement symbolique, onirique, un théâtre de la conscience.

Le metteur en scène Michael Thalheimer a plongé de la tête aux pieds dans cette forme théâtrale, et il s’y est noyé. Un décor pharaonique, comme le Théâtre de la Colline s’est fait une spécialité depuis quelques années, réduit l’immense plateau à une avant-scène. Derrière, une boîte noire en forme de pavillon de haut-parleur à l’intérieur duquel tourne une machinerie : les immenses pales d’une croix à demie enfouie, des pales par lesquels apparaissent les personnages comme par un monte-charge, des pales en forme de T dont il suffirait de couper une branche pour voir une croix gammée. Symbole qui concorde parfaitement à l’univers obsessionnel de Müller devant lequel les trois personnages principaux vont s’affronter dans cet instant d’indécision, d’impuissance.

Le jeu des interprètes est volontairement sur-expressif, les déclarations face publique sur-intentionnées, les litres de liquide rouge sur-répandus dans le but de donner chair à ces êtres pris dans les rouages de la machine du pouvoir. Gestes, lenteurs, postures figées et cinq accords de guitare électrique répétés tout au long du spectacle viennent anéantir le désir de donner chair à ces combats intérieurs. Dès la scène d’ouverture, l’ivresse du personnage joué par Charlie Nelson dure et s’épuise pour se transformer en attente. Un jeu de masque de carton, surligne peu après l’idée du faux, du faux-semblant qui est exprimé par la trame. L’apparition des visites emplumées des ailes d’un ange, rajoute elle aussi au symbolisme et éloigne.

L’écriture de H. Müller, extrêmement chargée d’images et de formes, semble soudain désuète, volontairement poétique, pesante, dans ce cérémonial où les acteurs font bien, ce qu’ils peuvent comme s’ils étaient eux-mêmes soumis aux ordres d’une machinerie.

Bruno Fougniès

 

La mission

de Heiner Müller
traduction de l’allemand Jean Jourdheuil et Heinz Schwarzinger
mise en scène Michael Thalheimer
scénographie Olaf Altmann
musique Bert Wrede
dramaturgie Anne-Françoise Benhamou
lumières Norman Plathe
costumes Katrin Lea Tag
assistante costumes Isabelle Flosi
assistante à la mise en scène Sandrine Hutinet

avec :
Jean-Baptiste Anoumon, Noémie Develay-Ressiguier, Claude Duparfait, Stefan Konarske, Charlie Nelson

 

Mis en ligne le 14 novembre 2014

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