La pièce raconte la leçon particulière donnée chez lui, par un vieux professeur à une jeune bachelière.

Vanité du langage, absurdité de l'érudition, non sens de la parole sont les thèmes chers à Ionesco qui sont ici explorés comme dans une expérience scientifique : la connaissance tournée en ridicule à travers ces deux personnages qui se détachent de plus en plus en plus de la réalité de l'existence, à force de s'affronter dans une joute d'érudition absurde qui les mène à la folie et au drame.

Dans une mise en scène sobre et distanciée, Jean-Pierre Brière met en place dès le début une sorte de rituel qui défie la raison, un rituel qui éclatera à la fin comme une cérémonie sacrificielle, absurde par sa gratuité, peut-être le sacrifice d'une certaine innocence.

Sa lecture de la pièce évite radicalement de s'égarer dans l'erreur du réalisme, vecteur de rires faciles qui s'émerveillent du grotesque des situations, pour s'attacher à rendre la folie bien ancrée de chacun des personnages. Ceux-ci ont l'apparence proprette des bienpensants et des nantis : un professeur, une bonne élève, jusqu'à ce que cela dérape, cela perde conscience. C'est comme une machine qui se met en route et va les mener irrémédiablement  vers l'insensé dont ils ne peuvent sortir ni l'un ni l'autre : un tragique système de persécution par le gavage.

Sa mise en scène évite également de tomber dans le cliché de la séduction produite par la jeune élève sur le vieux professeur comme seul vecteur de sa folie.

Les interprètes nous régalent d'un beau travail et donnent la mesure voulue par Ionesco. Ils sont à la fois investis et détachés, avec malgré tout quelques clins d'œil au public un peu trop lisibles et une fluidité, une écoute un peu chaotiques, dues certainement au fait que cette représentation était la première de cette reprise. 

Mais l'ensemble du spectacle et des trouvailles scéniques méritent qu'on plonge une heure dans les caves voutées de l'Essaïon.

Bruno Fougniès

 

La leçon

De Eugène Ionesco, textes additionnels de Thomas Bernhardt
Mise en scène Jean-Pierre Brière
Conception scénographique Didier Préaudat
Costumes Pascale Barré

Avec : Marie Crouail, Karine Huguenin et David Stevens