La Villette – Grande Halle
211 Avenue Jean Jaurès
75019 Paris
Tél : 01 40 03 75 75

Jusqu’au 28 juin
mardi, mercredi, vendredi, samedi à 20h30
jeudi à 19h30, dimanche à 16h

 

Photo © Josep Aznar

Venez ! Entrez dans le monde promis du futur, du progrès, de la science ! Ou plutôt de la technologie… ne pas confondre.

Ce spectacle aurait été une fantaisie lunaire il y a dix ans. Une chose incompréhensible, et dans le fond vaguement simpliste. Surtout une chose du futur, avec tout le côté kitch des séries B de science fiction américaines. Cela aurait été tout simplement un spectacle un peu utopiste, un univers de BD, à faire sourire un public debout sur ses pattes. Un spectacle ridicule comme ces expériences scientifiques qui veulent prouver l’effroyable soumission de l’humain aux nécessités et à la survie, bref à l’obéissance au pouvoir, alors que la science devrait nous emmener un peu au-delà de nos limites et pas seulement les instrumentaliser.

Mais bref…

Il y trente ans, La Fura dels Baus venait semer le désordre dans l’institution théâtrale française en bouleversant les règles et en révélant au public qu’il était une nécessité de réaction et non pas un bloc passif, avec un spectacle fait de provocation directe. Aujourd’hui, cette troupe espagnole vient encore défier l’ordre, l’ordre qui gangrène le monde actuel.

Elle s’attaque à ce nouveau pouvoir qui comme tous les pouvoirs cherche la soumission du plus grand nombre. Ce nouveau pouvoir distribué comme des chocolats, moins chers que le chocolat, à tous les êtres de cette planète : nous parlons ici des smartphones. La petite machine greffée au bout du bras qui fascine et ne cesse d’interpeler chacun de nous pour lui faire croire qu’il est une unité, pour lui donner l’illusion d’exister, de décider… mais qui décide pour lui, qui nous transforme en être de soumission.

Tout le spectacle M.U.R.S. axe son discours autour de cette emprise insidieuse sur les individus. Des murs qui protègent et des murs qui enferment. Des murs qui réconfortent et des murs qui aveuglent.

C’est un spectacle qui transforme les spectateurs en acteurs. Ici, pas d’ouvreuses et pas de fauteuils. Des techniciens emportent le public, groupes par groupes, dans les différents lieux créés à l’intérieur de la grande halle. Puis ce sont les smartphones qui prennent le relais et donnent des directives aux spectateurs.

Rien d’angoissant pourtant, au contraire. Les quatre espaces recèlent des trouvailles de distractions, d’amusements et de propagande. Il s’agit ni plus ni moins de quatre zones correspondant à des aspirations de vie : la sécurité, le bien-être physique, l’envie de richesse, l’écologie.

Le public circule de l’une à l’autre zone, s’amusant à des jeux, jusqu’à ce que soudain la belle machine néolibérale soit attaquée. Alors tout se dérègle, et les peurs et les étranges réflexes de survie poussent à d’étranges réactions… des réactions paniques, grégaires, de troupeaux.

Pourtant, rien de vraiment violent dans ce spectacle qui garde en permanence la mesure et ne fait jamais tomber personne dans le psychodrame. On effleure juste que face au pouvoir, la liberté n’est jamais acquise et qu’elle se gagne à coup de révolte personnelle, car il s’agit d’une révolte contre ses propres réactions parfois, une révolte salutaire, difficile, exigeante.

La Fura dels Baus signe avec ce spectacle un nouveau chapitre explosif de leur vigilante attention à tout ce qui peut ressembler à un totalitarisme, qu’il soit affiché ou rampant. Un spectacle à vivre, plus qu’à regarder, à éprouver et écouter ses propres conditionnements se manifester malgré soi.

Évidemment aucun mot sur les effets sonores, visuels, la performance technologique mise en place, les interprétations percutantes des comédiens et des figurants qui animent tout le spectacle et les décors, les accessoires, tous percutants, efficaces… mais rien ne serait possible sans cette qualité artistique de premier ordre.

Bruno Fougniès

 

Photo © Josep Aznar

M.U.R.S – La Fura dels Baus

Directeurs artistiques Pep Gatell, Carlus Padrissa, Pera Tantiňà
Avec la collaboration de Jürgen Müller
Dramaturgie : La Fura Dels Baus et Marc Chornet
Texte : Esteve Soler
Composition musicale : Carles López Campmany
Interactive Design et programmation : Pelayo Méndez et Rafael Redondo
Programmation supplémentaire : Glen Fraser
Enregistrement video : Sara Lopez, Nico Di Masso - Making off: Yvan Argos
Paysage : La Fura dels Baus, Irene Dobon, Pep Padrós (Anigami)
Conception de l'éclairage : La Fura dels Baus, Pere Anglada
Conception sonore : Oriol Llistar
Conception technique vidéo : Xavier Correa Massero
Illustrations : Jordi Vila Delclos

Avec : Carlos Figols, Juanjo Herrero, Diana Kerbelis, Lawrence Stanley, Laia Oliveras, Xabier Artieda, Blanca Pascual, Rosa Serra, Tatin Revenga