LA DUCHESSE
Vingtième Théâtre
7, rue des Plâtrières
75020 Paris
Tel: 01 48 65 97 90
lundi 14 et mardi 15 septembre 2015
« Bonsoir mesdames, bonsoir messieurs, bonsoir les entre-deux. C’est l’heure du conte », annonce, perché sur un podium recouvert d’un tapis doré, un escogriffe portant une perruque rouge et vêtu d’un top, rouge, d’un short, rouge, chaussé de hauts talons, rouges, avec des bas rouges décorés de gros nœuds noirs.
« C’est l’heure du conte, le conte de minuit. Une chanson, et puis, au lit !», continue-t-il au son d’une musique électronique tandis que, sortant de l’ombre, des personnages en petites tenues sexy – maillots lurex pour les femmes, petits shorts moulants pour les hommes, également en lurex, et talons pour tout le monde – investissent le plateau et évoluent autour de barres de « pole dance ».
Le spectateur, perplexe, s’interroge : est-ce bien là du Feydau ?
« Il était une fois un pays que l’on appellera l’Orcanie », poursuit la voix de ce personnage étrange, sorte de « dieu qui distribue les cartes et décide de qui jouera quoi », expose le metteur en scène Clément Peyon. « Il était une autre fois une ville que l’on appellera Paris ».
En entendant le mot « Orcanie », le spectateur averti est rassuré ; pas de doute, il s’agit bien de La Duchesse, d’après La Duchesse des Folies Bergères de Feydeau.
Celui qui ne connaît pas la pièce reste perplexe.
Mais, pour l’un comme pour l’autre, c’est avec un regard étonné et déconcerté qu’ils assisteront au spectacle.
Car cette singulière adaptation de La Duchesse des Folies Bergères par Clément Peyon a de quoi stupéfier.
Mise en scène insolite, inventive et terriblement innovante.
Décors à des années lumières de l’ambiance bourgeoise qui caractérise le cadre des pièces de Feydeau, et bien sûr, pas de costumes d’époque !
Comme éléments de décor, des podiums avec des barres chromées verticales, un portant garni de vêtements et d’accessoires, un tapis doré qui « souligne la qualité des espaces dans lesquels se déroulent les actions », comme l’explique le metteur en scène.
Et des comédiens absolument fabuleux, de toute évidence magistralement dirigés, qui jouent de tout leur corps avec une fougue phénoménale et l’énergie de la jeunesse. Lancés dans un mouvement vertigineux, ils enchaînent les situations cocasses, les méprises, les événements inattendus, les quiproquos et les imbroglios dans un délirant ballet de portes qui claquent et de chassés-croisés.
Tous incarnent avec justesse et brio les protagonistes de cette adaptation de La Duchesse des Folies Bergères, vaudeville écrit en 1902 dans lequel on retrouve la môme Crevette de La Dame de chez Maxim, fille légère et mondaine parisienne. Devenue duchesse par son mariage avec le Duc d’Orcanie, c’est dans ce pays qu’elle vit à présent. Lorsque le roi d’Orcanie décide d’abdiquer en faveur de son fils Serge, étudiant à Paris, le Duc d’Orcanie fait partie de la délégation envoyée dans la capitale française. De retour dans la ville de la môme Crevette, la Duchesse va renouer avec son passé frivole.
Les six interprètes : Sarah Ulysse, Kelly Gowry, Ksénia Lukyanova – parfaite, avec son très léger accent russe, dans le rôle du Duc d’Orcanie –, Pierre Langlois, Vinicius Timmerman et Boris Zordan sont tous remarquables et font de La Duchesse une jolie réussite.
Dans cette adaptation, « toute la narration a été refondue afin de mettre en exergue ce que nous voulions raconter de l’écriture de Feydeau », explique Clément Peyon, sans que le texte ait été modifié, à part l’acte I qui a été supprimé et remplacé par le monologue du début. Des coupes et des agencements différents ont également été effectués.
La Duchesse est une sorte d’exercice de style réussi qui restitue l’esprit et la portée de la pièce originale.
Et lorsque la représentation se termine sur la fameuse réplique de la môme Crevette, « Et allez donc !... C’est pas mon père ! », le spectateur se sent complètement tranquillisé : oui, c’était bien du Feydeau.
Élishéva Zonabend
La Duchesse
D’après La duchesse des Folies Bergères de Georges Feydeau
Adaptation et mise en scène : Clément Peyon
Assistante mise en scène : Leslie Bourgeois
Scénographie : Leslie Bourgeois assistée de Laura Mottet
Costumes : Leslie Bourgeois assistée d’Adrien Durupt
Régie lumières : Alice Fulcrand
Avec : Kelly Gowry, Ksénia Lukyanova, Sarah Ulysse, Pierre Langlois,
Vinicius Timmerman, Boris Zordan
Mis en ligne le 16 septembre 2015