L’AMANTE ANGLAISE

Le Lucernaire
53 rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris
01 42 22 66 87

Jusqu’au 9 avril 2017
Du mardi au samedi à 19h00
le dimanche à 15h00

 

L'Amante anglaise loupe 

Ce n’est pas le texte le plus connu de Marguerite Duras, et pourtant il est régulièrement joué, et avec les plus belles distributions (de Madeleine Renaud à Ludmila Mikaël en passant par Suzanne Flon). Celle-ci ne déroge pas à la règle puisque c’est ici Judith Magre qui interprète le rôle-titre. Sa belle voix qui allonge les syllabes et joue les multiples changements de tonalité convient à merveille à cette insaisissable Claire Lannes qui sautille du comique au tragique. Elle répond à celle, non moins émouvante mais rocailleuse et grave, de Jacques Frantz en Pierre Lannes, en homme simple et dépassé par celle qu’il a épousée sans jamais avoir cherché à la comprendre.

De quoi s’agit-il ? D’une enquête policière ? Accessoirement. D’un « thriller de l’esprit » comme l’affirme le metteur en scène Thierry Harcourt dans sa note d’intention ? Sans doute. D’une plongée dans les noirs abîmes de l’âme humaine en tous cas, et d’un magnifique portrait d’une femme. D’une femme seule, d’une femme blessée par une histoire d’amour ancienne et engoncée dans un quotidien trop étriqué pour sa sensibilité, d’une épouse insatisfaite qui n’a de plaisir qu’auprès des plantes de son jardin – et notamment de sa menthe anglaise –, d’une rêveuse qui attend qu’on lui pose la « bonne question » pour qu’elle sache quoi répondre, d’une meurtrière enfin qui n’avoue rien que pour être mieux écoutée.

Le presque banal fait divers où une femme tue et dépèce son mari a été transposé par Duras en une fascinante épreuve existentielle qui interroge l’ambition humaine, le destin et les attentes amoureuses. Le texte est parfois absolument sublime, avec des formules qui continuent de résonner, par exemple sur la nature de ce qui reste ou recommence quand quelque chose finit, ou sur des choses apparemment plus anecdotiques comme sur l’obsession de la propreté (qui prend la place du temps…). Le caractère incompréhensible du geste de Claire Lannes se révèle vite n’être qu’un miroir grossissant de l’insondable mystère que chaque être humain porte en lui. Où Claire Lannes a-t-elle mis la tête de sa victime ? Et nous, où avons-nous mis la nôtre ?

Frédéric Manzini

 

L'Amante anglaise

D’après Marguerite Duras
Mise en scène : Thierry Harcourt assisté de Thomas Poitevin
Lumières : Jacques Rouveyrollis assisté de Jessica Duclos
Costumes : Victoria Vignaux

Avec : Judith Magre (Claire Lannes), Jacques Frantz (Pierre Lannes) et Jean-Claude Leguay. (l’interrogateur)

 

Mis en ligne le 25 janvier 2017