L’ABSENCE DE GUERRE
Théâtre de l'Aquarium
La Cartoucherie,
Route du Champ de manœuvre
75012 Paris
01 43 74 99 61
Jusqu’au 3 février 2019
du mardi au samedi à 20h,
dimanche à 16h
Crédit photo Marjolaine Moulin
« La paix, ce n'est pas l'absence de guerre, c'est une vertu, un état d'esprit, une volonté de bienveillance, de confiance, de justice. » écrivait Spinoza.
Dans cette pièce anglaise de 1992, nous sommes bien loin de la paix et de la bienveillance. Il faut dire qu'elle a pour cadre les instances du parti travailliste, lequel essaie de pousser son leader en vue d'élections proches. Tout un dispositif (qui n'a rien à envier à ce qui se fait maintenant) se met en place : les interventions sont calibrées, que ce soit dans les meetings et surtout les médias. C'est déjà le règne du marketing politique.
Le cynisme règle en maître, bien sûr. Après avoir énoncé que « l'économie est un thème conservateur », un des travaillistes, leur champion, se laisse pièger, lors d'une interview télévisée avec « l'allègement fiscal sur les emprunts immobiliers ».
On s'interroge également sur une taupe... à l'intérieur du parti.
Pour finir, au-delà des revirements, scènes de débats internes et de briefing, voire l'arrivée d'une petite nouvelle, c'est l'affrontement entre un champion qui a du mal à tenir ses nerfs et un jeune loup plus pragmatique, qui finira par avoir la peau du premier.
Si le thème et ses développements par David Hare n'est pas nouveau, la réalisation est soignée et le travail des comédiens, très prenant, il faut le dire. Ils sont excellents mais se distinguent Grégory Corre et surtout Sidney Ali Mehelleb.
On pourrait penser, vu la longueur de l'entreprise, sa variété de scènes... à une série politique comme il s'en fait tant. Outre sa longueur, c'est peut-être là une des limites de la pièce : finir par obtenir ce qu'elle voulait dénoncer, à savoir être vue de façon un peu banalisé, comme on se cale dans son canapé en se disant : Tiens, voyons voir à quoi ressemble le 347ème épisode de ma série préférée. Mais si, tu sais bien, celle qui renvoyait dos à dos travaillistes et conservateurs dans cette Anglettere des années 1990.
À mettre au crédit du spectacle, l'humour parfois féroce de Hare : « Faire du bien, oui...vmais il faut des gens qui luttent contre ceux qui font du mal. » « Pour gagner, il vaudrait mieux qu'on soit tous conservateurs ! », le rythme des scènes et l'existence, grâce à la vidéo de ces deux univers, le réel et le “l'image“.
C'est là l'originalité (et une constante dans le travail de Aurélie Van Den Daele, la metteuse en scène) l'utilisation de la vidéo. Elle est partout : sous la forme d'un grand écran en fond de scène. Les personnages sont démultipliés par la vidéo, suivis, traqués, y compris dans la coulisse. Filmage en live mêlé à d'autres images, le tout est efficace et sert bien le propos : c'est le règne de l'apparence, et tout ce qu'on veut cacher sera mis au grand jour, étalé sur des écrans, télé ou ordinateurs.
Qu'est-ce qui est le plus vrai ? L'image ou les comédiens en chair et en os ? Qu'est-ce qui, paradoxalement, nous fascine le plus ?
Gérard Noël
L’Absence de guerre
Texte : David Hare
Mise en scène : Aurélie Van Den Daele
Collaboration artistique : Mara Bijeljac
Scénographie : Chloé Dumas.
Lumières/vidéo : Julien Dubuc.
Son : Grégoire Durrande.
Binôme scénographie : Charles Boinot
Costumes : Élisabeth Cerqueira.
Design graphique : Marjolaine Houlin.
Avec : Émilie Cazenave, Grégory Corre, Julien Dubuc, Grégory Fernandes, Julie Le Lagadec, Alexandre Le Nours, Sidney Ali Mahelleb, Marie Quinquempois, Victor Veyron
Mis en ligne le 16 janvier 2019