KLAXON, TROMPETTES
ET
PÉTARADES |
Théâtre 14 On connaît Dario Fo, militant et auteur de théâtre italien. Il a joué, animé et aussi écrit. Ici, nous est proposée une pièce marquée tout autant par son goût pour cette forme théâtrale particulière qu'est la « commedia del arte » que par les engagements politiques de son auteur : le début se situe dans un hôpital. On s'affaire, on se bouscule, autour d'un grand blessé de la route, un nommé Antonio. Surprise, on apprend assez rapidement que le nommé Antonio est ailleurs, bien vivant et que le blessé n'est autre que le sieur Agnelli, PDG des usines Fiat. Dans ces années 70 en Italie, l'enlèvement d'Aldo Moro par les Brigades Rouges n'est pas si loin et Fo imagine (en farce) ce qu'il adviendrait si on prenait Agnelli pour un de ses employés et si ledit employé devait se cacher, soupçonné, lui, de l'enlèvement d'Agnelli ! S'ensuit une série de joyeux moments qui mettent en scène Rosa, l'épouse d'Antonio, mais aussi sa maîtresse Lucia, des médecins et aussi un commissaire retors. Que dire de plus, sinon que tout cela culmine (façon « Arlequin serviteur de deux maîtres » de Goldoni) quand Agnelli et Antonio, sans se rencontrer jamais (et pour cause) sèment la panique dans le modeste ménage de l'employé. Les gags sont bien là, on tire sur une juge déjà plus ou moins ingambe, le commissaire se prend pour Maigret et n'arrive pas à grand-chose. Agnelli, qui a la gorge sensible, ne peut se nourrir que grâce à un entonnoir rivé à son épaule. Dans la confusion avec Antonio, celui-ci a cette réplique choc : « Hache-moi de la daube dans le nez ou je deviens fou ! » Côté texte, il y a des trouvailles : « Je voudrais manger assis comme un chrétien, enfin, comme un marxiste », soupire Antonio. Et Agnelli commente : « Nous grands industriels, sommes les seuls à lire encore Karl Marx ! » Les années 70 ont vécu. Fallait-il monter à nouveau cette pièce ? Le message politique de Fo s'est un peu dissous et nombre d'éléments parleront peu aux jeunes générations. Par contre, le rythme est bon et le metteur en scène a fait de la belle ouvrage. Les comédiens y vont franco, jouant sans s'économiser. Citons, avec se mine chiffonnée à la Shirley Mc Laine, l'excellente Céline Dupuis et surtout Gilles Ostrowsky qui se démultiplie avec brio dans les rôles d'Antonio et Agnelli.
Gérard Noël
Klaxon, trompettes et pétarades Mise en scène : Claude Prin. Avec Céline Dupuis, Anne Dupuis, Gérald Cesbron, Gilles Ostrowsky et Milena Esturgie. Masques, perruques et maquillage : Marie Messien.
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