KING KONG THÉORIE
Théâtre de l’Atelier
1 place Charles Dullin
75018 Paris
01 46 06 49 24
Jusqu’au 31 décembre
Du mardi au samedi à 21h
En 2006, quand King Kong théorie, l’essai féministe de Virginie Despentes, sort en librairie, il provoque de vives réactions et même de sévères critiques. Ce manifeste est un grand coup de pied dans la fourmilière de la domination masculine et du supposé « idéal féminin ». En partant d’une expérience personnelle traumatique – le viol –, l’auteure décortique les relations homme-femme et pose une question clé : qu’est-ce que la féminité ? Outre le viol, sont abordées la prostitution et la pornographie, en mêlant récit autobiographique et théorie :
« King Kong, ici, fonctionne comme la métaphore d'une sexualité d'avant la distinction des genres telle qu'imposée politiquement autour de la fin du XIXe siècle. King Kong est au-delà de la femelle et au-delà du mâle. Il est à la charnière, entre l'homme et l'animal, l'adulte et l'enfant, le bon et le méchant, le primitif et le civilisé, le blanc et le noir. Hybride, avant l'obligation du binaire.»
Douze ans après, le texte est – malheureusement – toujours d’actualité et les chiffres de ses ventes indiquent que la masse de ses lecteurs est croissante. Mais sans doute s’agit-il surtout de lectrices, et là est peut-être le problème. D’ailleurs, son adaptation au théâtre, contre toute attente – ou pas – attire un public essentiellement féminin. Pourtant, le texte s’adresse évidemment à tout le monde et les actrices œuvrent pour faire passer ce message.
La mise en scène de Valérie de Dietrich et Vanessa Larré est très réussie, pour plusieurs raisons. Les trois actrices interprètent le texte à tour de rôle : la parole, une même parole, passe de l’une à l’autre sans cesse, montrant ainsi que ce discours est affaire de toutes. Sans didactisme excessif, cette interprétation chorale du texte révèle une complicité forte et puissante entre les actrices. Elles parviennent à transmettre toute la force, la sincérité, le désir de rébellion, et aussi l’humour cinglant du texte originel. On les sent capables de déplacer des montagnes et on a envie d’y aller avec elles. L’utilisation de la caméra, en particulier avec des faces caméras au plus proche des visages des actrices ainsi que l’interaction avec le public créent une sorte de synergie et nous poussent à nous poser des questions sur la féminité, la masculinité, et notre propre intériorisation des clichés. A voir, à lire, à relire, et à faire lire.
Ivanne Galant
King Kong Théorie
Texte de Virginie Despentes
Adaptation de Valérie de Dietrich et Vanessa Larré
Mise en scène de Vanessa Larré
Avec Anne Azoulay, Marie Denarnaud et Valérie de Dietrich
Mis en ligne le 12 octobre 2018