KALASHNIKOV

Théâtre du Rond-Point
2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
01 44 95 98 21
Du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 15h30
Jusqu'au 30 juin 2013

Kalashnikov

Le titre est bien trouvé avec ce clin d'œil à l'arme tristement connue.

Car ça dézingue ! Ça dézingue à tout va dans cette œuvre de Stéphane Guérin mise en scène par Pierre Notte.

L'union de ces deux orfèvres en humour noir ne pouvait qu'aboutir à du bien trash, du bien saignant.

Objectif atteint puisque cette version de la vie familiale qu'ils nous proposent suscite nos rires alors qu'elle devrait nous glacer d'effroi.

Version moderne des « Famille je vous hais » de Gide ou du « Tout le monde ne peut pas être orphelin » de Jules Renard, ce spectacle nous plonge dans l'univers terrifiant de banalité et de monstruosité inconsciente d'une famille qui pourrait être ordinaire, avec le père vautré devant sa télévision, la mère qui rumine sa rancœur, attendant tous deux le retour du fils .

Mais voilà…

Dans les mains de nos deux compères, tout dérape, ils ajoutent un quatrième personnage, un transsexuel, incarnation du destin ou du chœur antique, le fils revient d'Afghanistan, la télévision a été enlevée et le couple fixe un mur vide.

Du chœur antique oui, car tout bascule soudain dans la tragédie grecque avec un complexe d'Œdipe revisité dans un jeu de rôles d'une terrifiante cruauté.

Le trio familial infernal va se livrer une guerre sans merci à coups de mots percutants, de lieux communs à double tranchant, de voix qui soudain hurlent pour cracher leur mal être.

La scénographie est astucieuse et magnifique avec un canapé comme point d'ancrage qui se transforme au gré des scènes pour finir en sorte d'île superbe sur laquelle ils vont s'installer tous les trois pour régler une dernière fois leurs comptes.

Les quatre interprètes livrent là une véritable performance.

Raphaëline Goupilleau est la mère, d'une justesse exemplaire jusque dans la démesure, jouant avec maestria de sa voix si particulière.

Yann de Monterno campe avec présence un père pourtant absent, effacé, débitant des insanités avec conviction.

Le fils est incarné par un Cyrille Thouvenin inspiré, bouleversant, explorant à fond toutes les facettes d'un être traumatisé.

Annick Le Goff enfin donne une dimension féroce à ce personnage de trans, passé comme elle le dit avec un humour sauvage du statut de « sale arabe » à celui de « vieille pute » et qui tire les ficelles en meneuse de revue impitoyable.

La comédie touche à sa fin, inéluctable et dramatique.

Le plateau est jonché de confettis pétales de rose, de flaques de sang, de béquilles, de diadèmes et autres accessoires comme un champ de bataille dévasté.

E finita la commedia.

 

Nicole Bourbon

 

 

Kalashikov

de Stéphane Guérin
Mise en scène, Pierre Notte

Avec Raphaëline Goupilleau, Yann de Monterno, Annick Le Goff, Cyrille Thouvenin

Assistante à la mise en scène Claire Fretel
Lumière Hervé Coudert
Son Guillaume Duguet
Costumes Colombe Lauriot Prévost

Stéphane Guérin, auteur de la pièce à succès "Kalashnikov" a reçu le Prix Théâtre 2012 de la Fondation Diane & Lucien Barrière.
Voir le communiqué de presse

 

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