JUSTE LA FIN DU MONDE
Théâtre Montmartre Galabru
4, rue de l’Armée d’Orient
75018 Paris
08 99 23 33 76
Jusqu’au 28 décembre 2017
Le jeudi à 19h30
Le dimanche à 18h30
Après douze ans d’absence, Louis décide de retourner voir les siens pour leur annoncer sa mort prochaine.
Il retrouve sa mère, sa jeune sœur Suzanne qui avait à peine dix ans lorsqu’il est parti, son frère Antoine, légèrement plus jeune que lui, et Catherine, la femme de ce dernier, dont il fait la connaissance. On comprend que le père n’est plus.
Les retrouvailles ont lieu dans la maison familiale, où vivent la mère et Suzanne, au cours d’un déjeuner dominical.
Passé le moment des « effusions », les rancœurs et les reproches vont vite faire surface. Chacun vide son cœur en réagissant, selon sa position dans la famille et selon sa sensibilité, à ce que tous considèrent plus ou moins comme l’abandon de Louis.
La mère s’étonne douloureusement qu’il ne connaisse pas sa belle-sœur, comme si elle voulait gommer les longues années d’absence ; Suzanne lui reproche ses cartes postales elliptiques ; Antoine l’accuse de s’être déchargé sur lui de ses responsabilités.
Quant à Catherine, connaissant le caractère difficile et irascible de son mari, et voulant à tout prix éviter les conflits, elle tente d’arrondir les angles mais elle a du mal à trouver les mots, elle reformule ses phrases, s’empêtre dans des redites. Sa bonne volonté et son malaise font peine à voir.
Suzanne et la mère, dans leur désir d’exprimer sans animosité leurs sentiments, ne sont pas plus adroites.
Leur parole, qui tente de trouver le mot juste, tâtonne, se perd dans des circonvolutions, des répétitions, des incises interminables.
Seul Antoine est plus direct dans sa façon d’abreuver son frère de ses récriminations.
Louis, qui était venu pour « annoncer, dire, seulement dire, [sa] mort prochaine et irrémédiable » écoute sans broncher.
Car il n’y a pas de dialogue.
Seulement des soliloques.
Louis écoute, mine contrite, assis sur une chaise sans jamais faire face à son interlocuteur, indication scénique qui souligne plus encore cette impossibilité à communiquer.
Et c’est cette incommunicabilité qui rend encore plus difficiles ces relations familiales entachées par des querelles et des jalousies qui remontent à l’enfance.
Difficiles mais douloureuses surtout, car il y a de l’amour dans cette famille, et chacun souffre de cette incapacité à être heureux ensemble.
Finalement, Louis repartira sans avoir pu dire ce qu’il avait prévu de dire.
La mise en scène est non seulement incroyablement efficace et présente, elle est également innovante, notamment dans un passage où la longueur d’un des monologues de Louis est habilement cassée par l’introduction d’une chorégraphie allégorique où Louis danse avec la Mort. Une trouvaille particulièrement originale et bienvenue.
Les comédiens sont justes et collent admirablement à leurs personnages, aussi bien physiquement – « Je me suis fait la promesse d’offrir des rôles qui collaient aux âges pensés par l’auteur lui-même », confie Terry Misseraoui, le metteur en scène – que dans leur jeu.
Le décor, d’une grande pertinence, reproduit la pièce principale où se déroule le déjeuner dominical et où se joue ce drame familial, traité comme une tragédie classique avec son unité de lieu, de temps et d’action.
« La pièce doit bouleverser, retourner, déchirer et émouvoir », indique le metteur en scène.
Le but est largement atteint.
Élishéva Zonabend
Juste la fin du monde
De Jean-Luc Lagarce
Mise en scène : Terry Misseraoui
Avec : Guillaume Chabaud, Romain Moine, Isabelle Toris, Noëlle Malacchina, Laure Massard
Mis en ligne le 14 novembre 2017