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JEUX DE PLANCHES |
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Au théâtre Les Déchargeurs
Heureux, heureux Jean-Paul Alègre qui est un auteur des plus joués. Ses pièces à la fois farceuses et malignes font les beaux soirs des compagnies amateurs, mais aussi des professionnelles. Il est publié et traduit un peu partout, a dirigé les EAT (Écrivains Associés de Théâtre) avant de rejoindre une direction à la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques) « Jeux de planches » date de 2002 : l'auteur s'y amuse et nous amuse : il se penche sur le théâtre, sur le matériau théâtral, ses tics, ses codes, ses lois ou bizarreries et en fait la matière d'un spectacle original. On voit tout de suite le risque : saynètes qui se succèdent, sujets juste esquissés, réflexion menacée par le plaisir de faire un bon mot. Hélas, puisqu'il faut commencer par ce qui fâche, on n'y échappe pas toujours. On a droit à l'équivoque « répéter » ou « répéter » qui ouvre le spectacle. Plus loin, ce sera le vieux calembour qu'on croyait enterré sur « toi » et « toit ». Dire en scène « c'est clair ! » fait monter la lumière, alors que la mention « d'intermittent du spectacle » la fait clignoter. Qu'en pense la corporation des éclairagistes pris ici pour des ignares ? Passé ces quelques scories, on retiendra des remarques plutôt affutées sur le métier de comédien et sur celui d'auteur, ce qui n'est pas si fréquent : on se demande effectivement pourquoi les pauvres auteurs, victimes des critiques et en butte aux tracasseries de ceux qui accordent les subventions, ne craquent pas plus souvent ? Quand Alègre fait s'incarner « la première réplique » et « le mot de la fin », on suit. De même quand il joue avec la réalité du plateau et celle qu'évoquent les comédiens, le résultat est prenant. Quand il imagine deux comédiens en scène qui se rendent compte qu'ils ne jouent pas la même pièce, on crie bravo. D'autant que la mise en scène est fluide et inspirée. Elle arrive en plus à faire tenir six comédiens sur la petite scène des « Déchargeurs ». Quelques mots sur lesdits comédiens qui, dans cette pièce sur le théâtre, en sont l'âme et les serviteurs : ils sont tous très bons. Les deux aînés, Olivier Hamel et Isabelle Serprix ont pour eux l'expérience. Ils arrivent avec du métier et se coulent dans des personnages d'une épaisseur plus grande. Ils sont, au choix, comiques dans l'excès ou dramatiques avec finesse. Les autres comédiens sont jeunes. Pour eux ils ont la foi et la fougue. Ils entrent, sortent, courent, rebondissent, chantent, tout au service de la pièce avec son mouvement et ses coq à l'âne drolatiques. Certains éclairages, il faut le mentionner, sont de toute beauté. Une dernière suggestion pour l'auteur : Et si, une autre fois, il se penchait sur le quatrième mur ?
Gérard NOEL Jeux de planches De Jean-Paul Alègre. Avec Olivier Hamel, Viviane Jauffret, Thibault Oleksiak, Isabelle Serprix, Thomas de la Taille, Florian Vaz. Musique : François Gelin.
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