JEANNE D'ARC AU BÛCHER |
À la crypte de l'Église Saint-Sulpice Du 12 septembre au 27 octobre 2012 à 20h30. Entre les créations précédentes du « Journal d'un curé de campagne » et de « L'annonce faire à Marie », la Cie du théâtre en pièces semble faire la part belle au religieux. Elle est certes basée à Chartres mais nous ne sommes pas ici pour nous immiscer dans les choix artistiques ou personnels du metteur en scène. N'empêche, il y a, visiblement, tendance à aller vers un théâtre qui élève. Qui s'interroge. Qui veut faire passer un souffle dans la représentation. Ce Claudel-là, celui de « Jeanne », est inégal : on déplorera, au passage, le jeu de mot facile sur le nom de l'évêque Cauchon. Et cette tendance à déployer des mots, et encore des mots, jusqu'à trouver, parfois, le sens. On appréciera des trouvailles de style, et ce panthéisme qu'il adopte pour nous faire sentir la présence de Dieu : les oiseaux, les fleurs, le ciel, la nature entière est convoquée pour témoigner de la présence du Seigneur. Et Jeanne, la bonne lorraine, que nous dit-elle, sinon qu'elle est inspirée par son Créateur. Ce côté sulpicien, …concevable, vu l'endroit où nous nous trouvons, dérange dans un premier temps. Et puis, on suit avec intérêt cette évocation à rebours ou presque de la vie de Jeanne d'Arc. La sobriété de la mise en scène, en harmonie avec le lieu de la représentation (une crypte) est patente. Il y a aussi des déplacements simples et la conviction que chacun des deux comédiens fait passer dans son jeu. Mélanie Pichot, tout d'abord, dans le rôle de la Pucelle. Elle en a la coupe de cheveux mais aussi l'énergie et ce côté enfantin, où la joie et la gravité ne sont jamais loin l'un de l'autre. À ses côtés, le frère Dominique est incarné par Pierre-Yves Desmonceaux. Il a une présence et surtout une voix dont il joue avec modestie ; sans en rajouter. En costume moderne, il nous transporte malgré tout dans ce passé. Il fait exister l'impalpable, la foi. Tout ceci, bien sûr, ne serait pas complet sans la musique ; Ah, la musique, celle d'Olivier Messiaen ! Superbement interprétée, elle nous emporte, nous enthousiasme. Elle a cette capacité à introduire une scène, à la conclure brillamment, à se poser, comme pour nous en faire percevoir les à-côtés, les échos. Jeanne entend des voix, mais lesquelles ? Jeanne tourbillonne, comme un papillon près d'une lampe. Jeanne est jugée. Elle monte au bûcher sans rien renier. Une des répliques dit : « Il n'est rien de plus beau que de mourir pour ceux qu'on aime ». En bref, un spectacle pour amateurs de Claudel et de Messiaen. Et de « Sacré ». L'autre soir, les cinquante places étaient occupées.
Gérard NOEL
Jeanne d'Arc au bûcher Mise en scène et lumières d'Emmanuel Ray. Avec Mélanie Pichot et Pierre-Yves Desmonceaux. « Regards de l'Enfant Jésus » d'Olivier Messiaen, interprété au piano par François Cornu.
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