JE SUIS DRÔLE |
Lucernaire, centre national d'art et d'essai.
Après « Pollock », Claude Perron renoue avec l'univers de Fabrice Melquiot et son écriture brillante. Ici, bien qu'il y ait un jeune homme qui lui donne une réplique muette, il s'agit d'une sorte de one-woman show. Et justement, l'héroïne de la pièce est une « comique » comme on dit, qui joue des sketches a priori drôles. Ce qui la conduit à bannir toute forme d'humour chez elle. Notamment dans ses relations avec le grand ado mal dégrossi qui lui sert de fils. Et qui s'appelle Rico. Et à qui elle a promis (dans un moment d'égarement) de l'emmener aux Galápagos. Elle a beau lui répéter à satiété : « Parle-moi, parle à ta mère ! » celui-ci ne dépasse pas le stade du bredouillis inintelligible. Ah, ces ados ! Pourtant, « Les mères n'ont pas de raisons d'être tendres avec leur progéniture ! » assène-t-elle. Cette femme du nom de Catherine Moulin, qui traite son fils de noms d'oiseaux, est sur un fil, celui de la déprime : les nouvelles de son agent ne sont pas meilleures. « On n'a aucune date, c'est la dèche ! » En fait, on comprend assez rapidement, entre deux coups de téléphone à sa sur Soizic, l'origine du problème : Catherine NE VEUT PLUS jouer pour des personnes âgées, dans des hospices. « Les vieux, confie-t-elle, quand ils riaient, j'avais peur qu'ils se cassent. » La pièce progresse ainsi, par petites touches drôles ou émouvantes et on en arrive à la rencontre avec un « roux » prénommé Eddy. Morceau de bravoure pour la comédienne, comme la soirée qu'ils passent ensemble, puis la nuit. Avant le petit matin et, Mais ne déflorons pas davantage le sujet. Disons simplement que d'un décor sobre, un canapé et une table, le metteur en scène a tiré le maximum. Tout est en place, fonctionne bien et les deux comédiens collent à leurs personnages. Solal Forte, une révélation, a une présence indéniable. Il est là quand il faut, variant ses réactions, de l'adoration filiale à l'accablement. Évidemment, c'est Claude Perron qui se taille la part du lion. Cette comédienne à la fois fragile et forte, est dans son rôle, conservant, ce qui n'est pas si fréquent, une légère distance ironique entre le personnage et elle. Un autre grand comédien, Claude Rich a ce même côté à la fois angélique et touchant. Il est des spectacles courts qui semblent longs. Celui-ci a la bonne longueur, mais on souhaiterait qu'il continue encore un peu, encore un tout petit peu, tant Claude Perron nous enchante.
Gérard NOEL
Je suis drôle Texte : Fabrice Malquiot Avec Claude Perron et Solal Forte Lumières : Laurent Schneegans.
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