JACQUES ET SON MAÎTRE |
Théâtre de la Pépinière Jacques et son maitre actuellement à la Pépinière théâtre, c’est le bonheur à l’état pur tel que peut le procurer l’alliance d’un texte sublime, d’une mise en scène d’une folle générosité et d’une interprétation sans faille. On ne présente plus l’auteur, Milan Kundera, un des plus grands penseurs contemporains, qui a reçu – entre autres récompenses – en 2001 le grand prix de littérature française pour l’ensemble de son œuvre. Nicolas Briançon est un des metteurs en scène actuels parmi les plus doués, en ce sens qu’il sait parfaitement capter le sens de ce qu’a écrit l’auteur et qu’il parvient à imprimer sa marque sans pour autant dénaturer l’œuvre, sans en ôter la substantifique moelle. Il met en scène pour la troisième fois la pièce de Kundera et on retrouve son esprit inventif, sa démesure, son panache, qui alliés au texte ciselé qu’il sert avec passion crée un véritable feu d’artifice. Dans cette promenade truculente, légèrement libertine, un peu rêveuse et éminemment philosophique, il nous parle de l’amour – beaucoup – des relations sociales, de la fatalité aussi – « Tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut », entremêlant avec bonheur les souvenirs et le temps présent. C’est lui qui interprète le rôle du valet, Jacques. Il faut voir son œil bleu pétiller de malice, puis soudain s’assombrir pour s’éclairer de nouveau. Une sorte de Sganarelle démultiplié, il est vrai que l’ensemble fait souvent penser à Molière, l’intelligence servie avec humour. Yves Pignot, le maître, donne à son personnage puissance et épaisseur doublés d’une fausse naïveté. Le reste de la troupe est à l’unisson, tous les rôles sont parfaitement servis. Le décor astucieux permet aux scènes qui s’insèrent dans le dialogue entre le maître et le valet d’être plus facilement compréhensibles en se jouant sur une sorte d’estrade. Les jeux de lumière baignent les scènes dans un beau clair-obscur. On rit beaucoup ; l’ensemble dure presque deux heures mais on ne voit pas le temps passer. Au moment du salut c’est un public enthousiaste qui par ses applaudissements longs et nourris a renvoyé aux interprètes radieux un peu de cet amour qu’ils lui avaient si passionnément donné.
Nicole Bourbon
Jacques et son maître De Milan Kundera Avec Yves Pignot, Nicolas Briançon, Nathalie Roussel, François Siener, Patrick Palmero, Philippe Beautier, Alexandra Naoum, Sophie Mercier, Hermine Place, Yves Bouquet
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