IL FAUT, JE NE VEUX PAS |
Théâtre de l’Oeuvre On monte Brecht, en veux-tu en voilà, même chose pour Tchekhov ou Pirandello. Musset, moins. Et on a tort. Jean-Marie Besset revient sur la question, mieux, il crée un spectacle composé d’un classique d’Alfred, « il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée » et d’une pièce de lui-même, « Je ne veux pas me marier ». 1845 : c’est l’année de la pièce de Musset, qui nous conte (pour ceux qui ne connaîtraient pas la trame) la visite d’un comte à une marquise dont, pourtant, ce n’est pas le jour (comprenez qu’elle ne tient pas salon ce soir-là) Ces deux enfants du siècle sont marqués par la langueur et le spleen de l’époque : « Je me désole, c’est un mal à la mode » entonne le comte, tandis que la marquise renchérit : « Je m’ennuie à crier ! » Ils ont déjà vécu. Elle est veuve et lui entretient, dit-on une ou plusieurs danseuses. Nous sommes dans les atermoiements, les hésitations : il veut se déclarer, elle se moque, refuse ses compliments en les prétendant ressassés. « Je sais ce qu’on dit quand on aime mais je l’oublie en vous parlant !» proclame le jeune homme. Le tout est rythmé par une porte qu’on ouvre, qu’on referme jusqu’à ce que tout s’apaise à la fin et se close par un baiser prénuptial. Autre son de cloche, bien sûr, chez Besset. Nous sommes en 2008. Le décor a changé (à vue, ce qui n’apporte pas grand-chose) Le même comédien, Adrien Mellin, joue un banquier qui doit épouser une agrégée de maths, la sémillante Chloé Olibères. Fatigue due aux préparatifs, chipotages qui virent à la dispute, évocation de leur passé commun, projets ou pas, … Jean-Marie Besset, a de l’intelligence et de la finesse (excepté deux ou trois effets un peu faciles). On voit bien comment il se démarque de son illustre devancier tout en lui étant fidèle. Mais les histoires d’amour ne sont-elles pas à la fois constantes, … et neuves pour ceux qui les vivent ? Paradoxalement, chez Musset, le mariage ouvrira la porte aux désirs, à la sensualité, alors que dans ce couple actuel, elle craint de perdre son statut d’objet de désirs « bestiaux ». Joli sujet pour une dissertation ! Elle est aussi nostalgique d’une première relation : « L’amour, c’est à cet âge-là, après on imite, on répète ! » Bien sûr, cela exaspère sa jalousie à lui. Il crie. Menace. Puis revient, …comme chez Musset. Les doutes de la jeune femme sur l’opportunité d’une union éclatent : « Le mariage n’est pas une variation libre, assène-t-elle, mais une figure imposée ! » Nous ne révèlerons pas la fin de l’histoire mais on aura suivi avec jubilation ces échanges entre amoureux qui parlent, et pour cause, à tout le monde. On aura eu, au passage, de savoureuses révélations sur Mme de Maintenon. On aura goûté le travail de Besset, sa mise en scène au cordeau et son sens de la progression dramatique. Joli travail sur le décor où se croisent le passé (la marquise) et le présent. Cette marquise, justement, c’est Blanche Leleu, à la fois corsetée et libre. Une femme du XIX ème en quelque sorte. Musset-Besset même combat. Un spectacle à voir, en tout cas.
Gérard Noël
Textes : Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée d'Alfred de Musset et Mise en scène : Jean-Marie Besset
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