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HOLD ON |
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Théâtre de Suresnes Jean Vilar
"Hold on" est un génialissime petit spectacle tragi-comique qui dépeint avec fantaisie et originalité les dérives du système du travail vu à travers le prisme déformant d'une plateforme d'appels téléphoniques. Exploitant le thème et le concept sous toutes ses formes, sans tomber ni dans le pathos ni dans la légèreté, cette pièce enlevée par trois jeunes comédiens tous excellents joue au yoyo avec nos émotions en nous montrant tour à tour le côté clair et le côté obscur des relations humaines plus ou moins (mal)saines qui peuvent s'instaurer entre des collègues de travail relégués à l'état d'automates. Mis sous pression par la course au rendement et à la productivité et déshumanisés par les contraintes que fixent la hiérarchie et l'asepsie des relations interpersonnelles qu'elle entraîne, les personnages n'expriment plus leur humanité que par des biais dérisoires, tantôt euphorisants, tantôt affligeants. Servi par une mise en scène parfaite et un jeu de sons et lumières toujours impeccable dans un espace scénique réduit très pertinent par sa proximité vis-à-vis du public, le spectacle démarre sur des chapeaux de roue avec une chorégraphie de standardistes dont le mimétisme et le synchronisme sont à couper le souffle et nous font tout de suite rentrer dans le thème et dans l'ambiance. On est littéralement happé par cet univers pas si imaginaire qu'ils ont su créer et offrir à nos yeux ébahis. Sur fond de rengaine de téléopérateur, le concept de standardisation se révèle ainsi dans son acception la plus vile, faisant très tôt chavirer la pièce dans un théâtre de l'absurde qui suscite surprise, trouble et dérision, en témoignent les rires nerveux qui fusent déjà ça et là dans le public. Par la suite, l'intrigue se développe sur un rythme très saccadé, tantôt vif, tantôt lent, qui rajoute à l'impression de bipolarité des personnages et exacerbe le caractère absurde de leur situation. Tour à tour, chacun des comédiens campe avec brio les différents rôles de standardiste, de chefaillon et de responsable hiérarchique, endossant alors les costumes respectifs de dominé et/ou de dominant dans une meute de jeunes loups apathiques et dépressifs qui ne savent même plus pourquoi ils se jettent en pâture les uns aux autres. « Hold on », ou comment la traduction usuelle du « restez en ligne » adressé au client se mue lentement mais inexorablement en un « tiens bon ! » qui cible le téléopérateur Cette pièce très aboutie est une farce contemporaine, une fable moderne remarquable dont chacun aura des leçons à tirer et du recul à prendre, que ce soit par une réflexion profonde vis-à-vis du modèle de société que l'on souhaite promouvoir à travers le travail ou par une pensée superficielle vis-à-vis de nos relations interpersonnelles au bureau. Dans tous les cas, on ne réagira plus de la même manière aux futurs démarchages des téléopérateurs qui nous appelleront ! Bravo !
Camille Grosjean
Hold on Écriture collective : Le LAABO Avec Anne Astolfe, Pascale Fournier, Gaëtan Gauvain
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