HAROLD ET MAUDE |
Théâtre Antoine Le thème est connu qui nous raconte l’histoire d’amour d’un un duo improbable : Lui c’est Harold, jeune homme d’une vingtaine d’années, issu de la haute bourgeoisie américaine des années 70 qui passe son temps à trouver des mises en scène réalistes de prétendus suicides pour attirer l’attention d’une mère froide et rigoriste, très superficielle. Elle, c’est Maude une adorable vieille dame de 80 ans qui va apprendre la vie à Harold, ce qu'est la joie, le bonheur et l'amour. Appréciant à sa juste valeur ce dernier cadeau que la vie lui offre, elle lui donnera en échange la chance de vivre enfin. À l’origine, c’est un film datant du début des années 70 dont fut tiré un roman puis une pièce adaptée en français par Jean-Claude Carrière et mise en scène par Jean-Louis Barrault, interprétée par Madeleine Renaud. La bande originale du film était de Cat Stevens. À l'époque de sa sortie, il avait défrayé la chronique dans le monde entier car c’était un hymne à la liberté, la nature et la spontanéité en opposition au militarisme et surtout aux conventions sociales. Ladislas Chollat qui avait déjà mis en scène « Très chère Mathilde », a parfaitement su restituer l’équilibre entre humour macabre et légèreté, alternant parfois dans une même scène drôlerie et émotion, par exemple lorsque Maude évoque avec pudeur les larmes aux yeux la mort de son mari avant d’entraîner Harold dans une valse avec une joie de petite fille. Toute la réussite de la pièce tient en partie à ces décalages constants, moments d’émotion et comique porté à l’extrême dans les scènes de faux suicides notamment. Tout fourmille d’idées, avec parfois un côté grand guignolesque ; exemple parfait, la séquence où le prêtre, la bonne, le policier, le psychiatre, revêtus de voiles de mariés, dansent une sorte de farandole autour de la mère à qui Harold vient d’annoncer son intention de se marier. Les décors sont particulièrement réussis avec une belle utilisation de plateaux tournants présentant d’un côté l’univers froid, sombre, fermé de la maison d’Harold et de l’autre en parfaite opposition l’univers de Maude joyeux et coloré, sans aucun mur, avec des tableaux suspendus dans le vide. Les interprètes sont remarquables avec Claire Nadeau qui prête avec bonheur sa distinction et sa folie habituelle au personnage de la mère, Chloé Catrin qui interprète avec brio les trois prétendantes, Sophie Bouilloux en bonne dépassée par les évènements qui va trouver du réconfort dans la marijuana, et tous les autres. Mais on attend surtout LE duo. Le jeune Thomas Oliveres, remarqué dans l’incontournable film « Intouchables » est un Harold bon chic bon genre, désabusé et sombre mais que l’on sent en attente de la vie. Il est attendrissant jusque dans ses maladresses et on lui pardonne tout - même de chanter horriblement mal -. Mais incontestablement celle qui remporte tous les suffrages c’est Line Renaud. Pendant deux heures sur scène, elle accomplit une véritable performance, Il semble que les ans n’aient pas prise sur elle, elle est toujours belle et dynamique en diable, un véritable réconfort pour toutes les femmes. Elle est une Maude exceptionnelle, pleine de fougue, d’enthousiasme, de drôlerie, d’une vitalité extraordinaire très éloignée de la Maude incarnée par Madeleine Renaud qui était plus en douceur et poésie. « Le monde n’a plus besoin de murs, mettons le nez dehors et construisons des ponts » dit-elle, et cette phrase la résume parfaitement. Le public ne s’y est pas trompé qui l’a longuement ovationnée, lui rendant par ses applaudissements nourris un peu de la générosité dont elle fait preuve, ravi et touché aussi par le plaisir qu’elle ressent à l’évidence d’être sur scène. Quarante ans après sa création, cette histoire d’amour est d’une grande modernité par le thème, allégorie libertaire de tous les couples en marge de la société, et par la façon frontale et parfaitement irrévérencieuse de le traiter.
Nicole Bourbon
HAROLD & MAUDE De Colin Higgins/ Adaptation Jean-Claude Carrière
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