GUSTAVE
Théâtre de l’Atelier
1 place Charles Dullin
75018 Paris
01 46 06 49 24
Jusqu’au 31 décembre 2014
Du mardi au samedi 20h 30 – matinée dimanche à 15h30.
C’est de Flaubert dont il s’agit dans cette pièce, Gustave de son prénom, comme le titre de ce monologue librement inspirée de sa correspondance, car chacun sait que ce prosateur a beaucoup correspondu et beaucoup trempé sa plume dans l’encrier pour y noircir les pages de ses inspirations, de ses colères ou de son point de vue sur les subtilités de la langue française.
Dans ses carnets de voyage qui sentaient les parfums de l’orient et ceux des bordels qu’il fréquentait avec assiduité, il avait fait le pari de tout dire et il a tout dit. Mais il a aussi entretenu une correspondance considérable durant près de dix ans avec sa maîtresse la poétesse Louise Colet, liaison houleuse et intermittente certes, mais riche en mots, phrases et verbes proches de l’éruption.
C’est sur une des ces lettres de rupture avec Louise que démarre ce soliloque sur le vaste plateau du théâtre de l’Atelier, brut comme un hangar aux murs en béton, immense comme une envie de liberté. Au centre, juste un lit où dort son valet qui ne dira mot de toute de la pièce mais à qui Flaubert s’adressera en permanence. Un fauteuil Voltaire, une simple table d’auberge, une bouteille de vin et un incroyable texte, sorte de coup de gueule salutaire, de désordre organisé, de bazar de génie avec ses excès et ses contradictions. Car cet anarchiste habillé du corps d’un bourgeois rentier vomit ses colères, ses affirmations avec la rage d’un homme qui pensait qu’il ne serait jamais lu. Et pourtant son regard lucide et son souci du réalisme le fit accoucher de Madame Bovary et de L’éducation sentimentale.
Qui d’autre que Jacques Weber, immense comédien, qui avec un prix d’excellence au conservatoire refusa la Comédie française, pouvait endosser cet écrivain qui préférait délaisser le port pour la haute mer. Et là j’avoue que durant une heure trente, la bouche entre-ouverte, j’ai écouté cette envie de vivre, de croire, de penser haut, je me suis régalé de ce verbe libre et sauvage, des ces coups de poing de l’âme et du cœur, de ces volcans jamais éteints, de cette fulgurance éclatante. Jacques Weber puissant comme l’orage qui grondait en arrière plan, formidable de précision, énorme, magnifique dans sa démesure se délectait de ce texte formidablement fourni et étonnamment moderne pour nous le servir avec une justesse proche du rugissement. On en sort, ivre de mots, rincé, épuisé mais comme le souligne son auteur Arnaud Bédouet, diablement d’aplomb, la tête à l’endroit, prêt à y retourner.
Patrick Rouet
Gustave
Auteur : Arnaud Bédouet
Avec : Jacques Weber – Philippe Dupont.
Mis en ligne le 5 décembre 2014