GRAND PEUR ET MISÈRE DU IIIème REICH + RUMEURS

Théâtre Jean Vilar
1 place Jean-Vilar
94400 Vitry-sur-Seine
01 55 53 10 60

 

 

Le week-end dernier avait lieu, dans la belle salle du Théâtre Jean Vilar de Vitry sur Seine, trois représentations exceptionnelles d’une version pertinente de la pièce de Bertolt Brecht « Grand peur et misère du IIIème Reich» écrite entre 1935 et 1938. Une création très bien ficelée réunissant six scènes choisies parmi les vingt-quatre qui composent l’œuvre. Bien dialoguées, bien jouées, dans un décor et un éclairage conforme à l’esprit brechtien, ces scènes de vie quotidienne dressent un portrait de la société allemande depuis l’avènement d’Hitler jusqu’aux prémices de la guerre. Brèves mais efficaces, elles aident à comprendre comment une telle barbarie a pu bourgeonner et s’épanouir. Palpable, la peur suinte à travers les phrases échangées entre les protagonistes, comme celles de ces parents prêts à soupçonner leur fils de douze ans, engagé dans un mouvement de jeunesse hitlérien, de les dénoncer… Même s’ils n’ont rien à se reprocher, la terreur qui les tenaille les entraîne dans un véritable délire paranoïaque. Partout, la misère gronde : « plus de pain, plus de beurre, tout pour les canons ! ». La résistance aussi : « si nous qui n’avons rien ne nous montrons pas, personne ne le verra. Tandis que si on vient, ils sauront à quoi s’en tenir ! ». Le montage traduit parfaitement le talent de Brecht, peintre réaliste des petites gens, des gens ordinaires, des gens comme tout le monde.

Et puis, tout s’enchaîne avec un grand bond en avant avec la dernière création d’Anne-Marie Collin intitulée « Rumeurs ».

Au menu, une famille « ordinaire » dans un pavillon de banlieue. En présence, plusieurs générations cohabitant dans un même espace envahi d’une multitude d’appareils et d’écrans connectés : télévisions, tablette, Smartphone, DS… . « Rumeurs » croque une soirée en huis clos au cours de laquelle nous allons découvrir, peu à peu, les différents liens et rapports qui unissent les personnages en présence. Le ton est actuel, les rapports sont cruels et on « boit du petit lait » en assistant, comme une petite souris, au déroulé de cette soirée familiale plus vraie que nature à l’issue apocalyptique. Après « Grand-peur et misère du IIIème Reich », verra-t-on Grandeur et misère du IIIème millénaire ?

En tout cas, l’ensemble est remarquable, on ne s’ennuie pas une seconde, les textes et les acteurs sont formidables (mention spéciale à Sylvie Artel et à Pierre Derenne, parfait en jeune nazi et en « adulescent » irresponsable)… À quand les prochaines représentations ?

Patricia Lacan-Martin

 

Grand peur et misère du IIIème Reich + Rumeurs

Textes : Bertolt Brecht et Anne-Marie Collin
Mise en scène : André Loncin

Avec : Sylvie Artel, Marion Casabianca, Anne-Marie Collin, Pierre Derenne, André Loncin, Alain Payen et Lancelot Renaudin

Musique et composition : Claude Clin
Scénographie et costumes : Emmanuelle Sage-Lenoir
Vidéaste : Pierre Guenoun
Lumière : Rodolphe Hazo

 

Mis en ligne le 16 mars 2015

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