FIN DE PARTIE

L'Essaïon
6, rue Pierre-au-Lard 
75004 Paris
01 42 78 46 42 

Jusqu’au 13 février 2016
Du jeudi au samedi à 19h30

 

Fin de partie loupe 

Pièce écrite après « En attendant Godot », « Fin de partie » qui date de 1957, creuse le même sillon à la fois absurde et désespéré. Ici on retrouve le chiffre quatre, cher à Beckett : un homme, Hamm, et son fils adoptif Clov sont en scène. Derniers spécimens d’humanité (avec les parents handicapés de Hamm, Nagg et Nell, qui somnolent dans deux poubelles) ils survivent. Ils essaient de « tuer » le temps, en attendant le pire. Et se livrent, en même temps, à une déconstruction savante du « fait » théâtral. Du jeu. De la représentation, sur scène, de la réalité. « Tu n’as jamais entendu un a parte ? » lance Hamm à son fils. La pièce est tragique, mais aussi pleine d’un humour grinçant, comme l’affectionnait l’auteur de « Malone meurt ».

Ça commence par : « Ça va finir. Il faut que ça finisse ! » Hamm, aveugle et paralysé des jambes trône dans son fauteuil. Il existe tout un rituel entre lui et Clov à qui il commande de le déplacer à gauche ou à droite, d’aller regarder la terre (vide) et la mer (qui monte) quand il ne s’agit pas de lui donner son calmant, ou son remontant selon l’heure. Monstrueusement égoïste et angoissé, Hamm apprécie que tout tourne autour de lui : il traite ses parents « d’ordures » et ressasse une histoire… qui pourrait bien être celle de Clov enfant. Quant aux parents, c’est le passé qui leur est dévolu : malgré l’inconfort de leur position, ils jouent eux aussi leur partition, sur le mode du souvenir et de la tendresse passée.

C’est donc une pièce d’attente. Une pièce de ressassement, avec des motifs repris, développés et répétés de façon musicale et on sait à quel point Beckett adorait la musique. Ce n’est pas une pièce psychologique : elle est violente et dérisoire à la fois. Elle ouvre des gouffres sous les pieds des personnages (et les nôtres), gouffres qu’elle prend bien soin de ne pas refermer. Une seule solution pour le spectateur, rire les dents serrées, attentif au travail remarquable du metteur en scène et des acteurs. Car c’est bien sûr une pièce d’acteurs : faute d’une continuité psychologique (et logique) habituelle, c’est à chacun d’inventer quelque chose, une façon de marcher, de serrer autour de soi un châle ou d’embrasser un chien en peluche. D’agripper sur le bord d’une poubelle deux mains gantées, d’incliner la tête sous le poids du destin… de jouer à vivre encore un tout petit peu. Philippe Catoire (en Hamm) et Jérôme Keen qui joue Clov sont saisissants. Au diapason sont leurs deux partenaires, Marie Henriau et Gérard Cheylus.

De la belle ouvrage. Que nous vous recommandons vivement d’aller applaudir.

Gérard Noël

 

Fin de partie

Mise en scène : Jean-Claude Sachot

Avec : Philippe Catoire. Jérôme Keen, Marie Henriau, Gérard Cheylus

Costumes : Frédéric Morel
Décor : Virginie Destiné
Lumières : Laure Bérend, Jean-Claude Sachot

 

Mis en ligne le 1er décembre 2015

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