« Comme un oignon, l'idéal féminin n'a pas de centre, de noyau. Au fur et à mesure qu'on le déshabille, qu'on le débarrasse de toutes ses peaux, de ses couches de représentations, il s'amenuise. À la fin, il n'en reste plus rien. » Carole Thibaut – extrait d'interview.

Voilà résumée la construction de Fantaisies. Carole Thibaut commence par les préceptes de beauté constamment matraqués par les medias pour peu à peu écorcher cette apparence et mettre à nu ce qu'il en reste.

Elle est seule en scène et pourtant, pas vraiment.  Il s'agit d'un dialogue presque ininterrompu entre elle et elle-même. Sa voix off omniprésente discute, conseille, édicte, tandis que l'autre Carole Thibaut, sur le plateau, commente avec humour ou bien réplique à cette voix chaude et grave qui lui vante les mérites du moule de l'idéal féminin, l'image…

La scénographie élaborée segmente le plateau en différents espaces à la symbolique très forte : une table à maquillage où Carole Thibaut se maquille et s'apprête au début du spectacle, au centre de la scène une allée éclairée de leds qui ressemble à un podium pour défilé de mode, à gauche un pupitre, un micro, un sampler et une douche de lumière et, en fond de scène, un triptyque de miroirs sans teint où se démultipliera son image.

Sous l'apparence drôle, caustique et amusée, il s'agit bien ici d'un combat acharné entre les réalités de la vie et cet idéal de féminité auquel sont confrontées toutes les femmes : le corps, l'apparence, le maquillage, les habits, la maternité, l'arrivée des règles, ce soudain changement qui propulse l'enfance dans cet inconnu : l'idéal féminin que la société lui présente comme modèle, comme image.

Couche après couche, sous le maquillage, sous les attitudes gracieuses, sous cette perfection fuyante, apparaissent les fissures, les incompréhensions et les révoltes de cet être humain qui semble comme un prisonnier entravé par ces dogmes.

Carole Thibaut a le don d'attirer la connivence du public, une manière de le mettre dans sa poche dès les premières secondes, une manière justement de désacraliser les choses. Fantaisies est un spectacle qu'elle joue depuis cinq ans, mais un spectacle multiforme et modulable qu'elle fait évoluer au fil des représentations et  de l'actualité ce qui fait qu'il reste dans un présent implacable, un jeu direct avec le public.

La fin est plus poignante, plus l'on s'approche de l'intime, plus la révolte éclate, plus la femme sur le plateau semble s'éloigner et devenir cette inconnue qui le restera à jamais.

Bruno Fougniès

 

Fantaisies, l'idéal féminin n'est plus ce qu'il était

Autrice, actrice et metteuse en scène Carole Thibaut (éditions Lansman)
Assistante à la mise en scène Fanny Zeller
Regard chorégraphique Philippe Ménard
Création sonore Pascal Bricard
Lumières Didier Brun
Costumes Magalie Pichard
L'intervieweuse Corinne Hadjadj

Avec Carole Thibaut