MC93 Théâtre de tous les ailleurs
9, boulevard Lénine
93000 BOBIGNY
Réservation : 01 41 60 72 72

Jusqu'au 5 février 2014
du mercredi au samedi à 20h00
le dimanche à 15h30 et 20h00
le mardi à 19h30 

Spectacle en russe surtitré en français

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Mis en ligne le 4 février 2014

Eugène Onéguine

Au départ, il y a un roman en vers d'Alexandre Pouchkine, au programme de toutes les écoles de Russie et dont chaque Russe connaît par cœur de nombreux passages.

Puis Tchaïkovski fit de ce grand classique de la littérature un opéra célèbre maintes fois joué.

En mettant en scène cette œuvre magistrale, le Théâtre Vakhtangov, illustre théâtre moscovite créé au début du XXème siècle par une troupe de comédiens d'avant-garde sous la houlette du comédien Eugène Vakhtangov, s'est lancé dans une entreprise phénoménale.

Pour mener à bien son projet, Rimas Tuminas, le metteur en scène lituanien – également directeur artistique, depuis 2007, du Théâtre Vakhtanov –, s'est entouré d'une pléiade de collaborateurs pour assurer la scénographie, la direction d'acteurs, la chorégraphie, la direction musicale, et j'en passe. Il n'en fallait pas moins pour gérer une distribution aussi importante incluant, outre des stars connues et reconnues, les élèves de l'école Chtchoukine, établissement moscovite de renom.

Dans la salle, de nombreux Russes, pour qui « Eugène Onéguine » est un classique. Pour les autres, un petit résumé s'impose.

Eugène Onéguine, dandy oisif et désenchanté de Saint-Pétersbourg, se retire à la campagne où il se lie d'amitié avec un jeune poète, Vladimir Lenski, qui le présente à la famille Larine, des propriétaires terriens. Lenski compte épouser Olga, la fille cadette, jeune fille espiègle et extravertie. Sa sœur Tatiana, à l'âme romantique et mélancolique, tombe amoureuse d'Onéguine au premier regard mais ce dernier la repousse, s'estimant incapable de la rendre heureuse. À la suite d'un incident fâcheux, Lenski provoque Onéguine en duel et perd la vie. Rongé par la mort de son ami, Onéguine quitte la campagne, tandis que Tatania part avec sa mère pour Moscou, où elle fait un mariage prestigieux. Quelques années plus tard, Onéguine rencontre Tatiana et, regrettant d'avoir jadis dédaigné son amour, lui déclare sa flamme mais Tatiana, bien que toujours éprise, l'éconduit en affirmant qu'elle appartient à son mari et lui restera fidèle.

Passions contrariées, idéalisation de l'être aimé, désenchantement, rêverie, mélancolie, « Eugène Onéguine » reprend les thèmes du romantisme européen, qu'il n'hésite pas à railler et parodier à l'occasion.

L'adaptation de Rimas Tuminas a su recréer avec finesse et une pointe de dérision l'esprit romantique de l'époque, et suscite chez le spectateur une émotion qui le submerge totalement pendant plus de trois heures, grâce à des procédés dramaturgiques originaux, novateurs, étonnants et particulièrement heureux.

Ainsi, le metteur en scène a-t-il pris le parti de faire la part belle à la narration, qui alterne avec les dialogues, et dont le rythme régulier a quelque chose d'envoûtant.

Le narrateur, un hussard un peu ivre, déroule le fil de l'histoire dont les personnages investissent un espace scénique occupé par un studio de danse avec, au fond, un immense miroir opaque qui renvoie ces personnages à eux-mêmes, à leurs rêves, à leurs souvenirs.

Là, au rythme des coups de canne de leur professeur, les élèves de la classe de danse virevoltent, courent, se déplacent, toujours dans un ensemble parfait, envahissant le plateau dans un mouvement dynamique puis s'immobilisant soudain, toujours groupées, tandis que les comédiens évoluent avec grâce et légèreté comme dans un ballet, ou se figent dans une immobilité artistique, comme immortalisés sur une toile par le pinceau d'un peintre.

Cette alternance entre mouvement et immobilité produit chez le spectateur une sorte de fascination, accentuée par la petite musique mélancolique et lancinante qui s'égrène tout au long de la pièce et remue en nous une nostalgie venue du fond des âges.

Le charme opéré est tel – grâce aussi à l'efficacité de la scénographie, qui organise l'espace de façon esthétique et fait de chaque scène un tableau – que l'on se console de ne pas comprendre la langue.

Pire, le spectacle est si réussi, on est tellement subjugué, qu'on se surprend à penser qu'il fonctionne sans la beauté du texte – pardon Pouchkine - et qu'on pourrait même, lorsqu'on connaît l'histoire, se passer des surtitres – pardon Markowicz – (mais qu'il se rassure : dans la librairie, à l'issue du spectacle, il ne restait plus un seul exemplaire de sa traduction).

Les acteurs, « ces merveilleux jeunes gens tout juste sortis de l'école qui donnent aux spectacles du Vakhtangov un éclat fiévreux de pure beauté », pour reprendre les mots de Patrick Sommier, directeur du théâtre MC93, admirablement dirigés, sont parfaits, mais il est impossible de les citer tous.

Pour Rimas Tuminas, mettre en scène « Eugène Onéguine » était un pari risqué.

Son adaptation théâtrale est un chef d'œuvre.

Le pari est réussi.

Mais quel dommage que le spectacle ne reste pas plus longtemps à l'affiche !

Elishéva Zonabend

 

Eugène Onéguine

Eugène Onéguine

D'après Alexandre Pouchkine
Théâtre Vakhtangov, Russie
Adaptation et mise en scène : Rimas Tuminas
Scénographie : Adomas Yatsovskis
Direction d'acteurs : Alexei Kouznetsov
Dramaturgie : Elena Kniazeva
Diction : Susanna Serova
Costumes : Maria Danilova
Son : Vadim Bulikov, Ruslan Knuchevitski
Musique : Faustas Latenas
Direction musicale : Tatiana Agaeva
Pianiste : Natalia Turiyanskaya
Chorégraphie : Angelica Kholina
Création lumières : Maya Shavdatuashvili
Direction musicale : Tatiana Agayeva
Maquillages : Olga Kaliavina
Assistantes à la mise en scène : Natalia Menshikova, Natalia Kuzina
Traduction : André Markowicz
Surtitres et régie des surtitres : Macha Zonina


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