Six comédiennes, onze personnages en quête… de metteur en scène –  toutes de très jeunes filles à peine sorties de l'adolescence –, un réalisateur invisible et la voix de Jacques Higelin, plus une chaise haute recouverte d'un drap et un polochon sur un tabouret, voilà ce que nous offre Marie Billetdoux dans la première pièce qu'elle a écrite et mise en scène, Entrez et fermez la porte, adaptée du roman du même nom.

Les jeunes filles, à peine sorties de l'adolescence, sont venues pour un casting avec leurs rêves, mais surtout leurs failles. À cette étape douloureuse de leur vie que constitue le passage à l'âge adulte, elles attendent, de ce réalisateur célèbre auquel elles viennent se livrer, qu'il soit « leur metteur en scène, sur la scène de la vie », pour reprendre l'expression de la dramaturge.

Mais aucune d'entre elles n'imagine que, si elle était choisie, elle y laisserait inévitablement des plumes, qu'elle se brûlerait les ailes au contact de cet homme omnipotent, sans doute cynique et un brin pervers, véritable ogre des temps modernes. Aucune sauf...

Pourtant, ce Zeus tout puissant qui les auditionne sans se montrer – sa voix seule interrogeant, intimant, jugeant –, ce démiurge qui tient leur destin entre ses mains, est un colosse aux pieds d'argile. Privé de son pouvoir créatif, il n'est rien. Or il traverse une période d'impuissance créatrice et c'est dans l'espoir de retrouver l'inspiration qu'il a organisé un casting, pour puiser dans la jeunesse des candidates, dans leurs histoires, la matière qui lui permettra de redémarrer.

Marie Billetdoux avait déjà, en 1980, abordé la mise en scène et la direction d'acteurs avec son film La femme-enfant. « C'est à nouveau la confrontation physique avec des êtres de chair, qui, loin de la littérature, m'a animée, et menée au théâtre », confie-t-elle.

Mais la metteuse en scène ne semble pas être à la hauteur de l'auteure.

En effet le spectacle, quoique se laissant voir avec plaisir, peine à nous transporter. Et ce malgré l'intérêt du propos, malgré la force de l'écriture, malgré la voix de Jacques Higelin, malgré surtout le talent des comédiennes, toutes excellentes, toutes prometteuses.

Et de fait leur fraîcheur, leur jeunesse, leur jeu, leur expressivité, séduisent les spectateurs, à la fois juges et voyeurs.

De plus, le procédé théâtral, qui fait que chacune donne la réplique, non pas à Jacques Higelin mais à la voix de Jacques Higelin, dont le texte est enregistré, oblige à une virtuosité dans la synchronisation qui souligne leur performance.

On ne peut que leur souhaiter de percer comme Lou de Laâge, qui faisait partie d'une précédente distribution, happée à présent par le cinéma.

Elishéva Zonabend

 

 

Entrez et fermez la porte

Texte et mise en scène : Marie (Raphaële) Billetdoux

Avec (par ordre d'entrée en scène) : Margaux Vallé, Léa Dauvergne, Camille Lockhart, Jeanne Monot, Armelle Abibou en alternance avec Marion Trémontels, Aurélie Noblesse, et la voix de Jacques Higelin *

* Conformément au roman paru en 1991, le personnage du « metteur en scène » n'est pas physiquement présent.