L'EDEN CINÉMA

Théâtre de la Tempête
Cartoucherie
Route du Champ-de-Manoeuvre
75012 Paris
Tél: 01 43 28 36 36
Du 25 janvier au 24 février 2013, du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h30.

« Écrire, c'est tenter de savoir ce qu'on écrirait si on écrivait. » Eh oui, c'est du Marguerite Duras. La même qui travaillait et retravaillait ses textes, leur donnait d'autres noms : ainsi le roman « Un barrage contre le Pacifique » est-il devenu « L'Eden-cinéma », ici mis en scène par Jeanne Champagne. Duras y revient sur cette Indochine qui la vit naître et où elle passa son adolescence.

À peine sommes-nous installés que le décor nous interpelle : une entrée de cinéma garnie d'ampoules, un rideau, un fusil au sol, une caisse, des loupiottes de 14 juillet, un micro années 50 et un casque colonial. Tout est en place. Tout va servir. Et c'est là que le bât blesse. En effet, cette adaptation illustrative fait la part belle (trop belle !) au texte de Duras, ni spécialement bon, ni spécialement ardu. Elle y déroule son histoire, celle de sa mère institutrice puis pianiste à l'Eden-cinéma, grugée financièrement. Il y a aussi son frère bien-aimé, et l'homme à la belle voiture (on pense, bien sûr, à « l'Amant ») Il lui fait la cour, lui promet un diamant qu'il lui offre, la mère cherche à vendre le diamant, …ou même sa fille, tant qu'on y est.

Théâtralement, il ne se passe pas grand-chose : des souvenirs s'égrènent, c'est la parole qui fait le lien ou bien la musique, un peu trop envahissante elle aussi, bien que signée Carlos d'Alessio (compositeur pour des films comme « India Song »)

On déplore, au passage, que le phono ne « joue » pas vraiment. De même, quand il est question de Blancs qui pratiquent tennis, est-il vraiment utile de faire entendre des bruits de balles ?

Jeanne Champagne, utilise des « trucs » théâtraux au service d'une dramaturgie qui peine à exister. Les seules scènes qui décollent vraiment, sont celles de la fin, quand Suzanne est perdue dans la ville. Ou quand Joseph évoque sa virée avec une femme et son mari. Quand, surtout, la mère (impériale Tania Torrens) nous raconte la fin de l'histoire, son obstination qui frôle l'obsession.

Heureusement la metteuse en scène peut compter sur ses comédiens : Sébastien Accard en Joseph et Fabrice Bénard en Monsieur Jo, sont très bien. Sylvain Thirolle est sobre et inspiré. Tania Torrens, déjà nommée, apporte avec elle tout un monde d'efforts, de travail, un désespoir aussi qui ne la quitte presque jamais. Elle est une mère abusive, excessive, qui s'approprie voracement son entourage.

Et durant la pièce, toute la pièce, Agathe Molière s'obstine à être Suzanne, autrement dit Duras. Même sans avoir vu de photos de l'écrivain jeune, on est saisi. Elle a ce côté à la fois buté et espiègle, cette volonté chevillée au corps, elle aussi. Elle nous entraîne vers les années trente, les colonies, une musique poisseuse qui appelle la nostalgie.

 

Gérard Noël

 

 

L'Eden cinéma

De Marguerite Duras.
Mise en scène : Jeanne Champagne.

Avec Sébastien Accart, Fabrice Bénard, Agathe Molière, Sylvain Thirolle, Tania Torrens.

Scénographie et costumes : Gérard Didier.
Lumières : Franck Thévenon.
Musique : Carlos d'Alessio.
Son : Bernard Valléry assisté de Samuel Mazotti.
Conseils chorégraphiques : Cécile Bon.
Collaboration artistique : Sylvain Thirolle.
Régie générale : Yvan Bernardet.

 

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