Photo © Dunnara Meas

Avec ses non-dits, ses dialogues qui basculent soudain, le faux et le vrai qui s'entremêlent, Dispersion (Ashes to Ashes) concentre tout l'univers de Pinter, cette façon de communiquer si particulière, avec une grande économie de mots, des pauses, des silences chargés de sens, et qui laisse souvent le spectateur déconcerté et interrogateur.

Gérard Desarthe qui interprète Devlin, assure une mise en scène qui va à l'essence même du mythe pinterien, ouvrant des portes qu'il se garde bien de refermer. Dans un très beau décor d'une élégante sobriété, un homme et une femme s'affrontent dans un huis-clos oppressant. C'est semble-t-il un couple .Lui, se montre jaloux, lui pose des questions sur un amant qu'elle aurait eu. Puis peu à peu, tout bascule.

Car, s'il questionne, elle répond mais ne donne jamais les réponses. Même lorsqu'il insiste. Devient violent. Scène impressionnante où on le devine mimer l'étranglement par l'amant en un superbe jeu d'ombres.

À ce jeu, Carole Bouquet est extraordinaire. Repliée sur son canapé, parfois apeurée, parfois ailleurs, parfois tendue, parfois perdue, parfois manipulatrice, parfois fragile, elle est en tout point la Rébecca énigmatique, obsédée, et en pleine confusion comme l'avait sans doute rêvée l'auteur qui voyait son personnage comme une femme qui se noie. Mais surtout elle est sincère, ressentant si profondément les douleurs d'autrui qu'elle fait plus que d'en parler, elle EST LA douleur incarnée.

Le début et la fin sont jouées derrière un rideau transparent qui va disparaître comme pour abolir le quatrième mur qui sépare la scène du public et permettre à ce dernier d'être partie prenante de l'action, de décrypter ce qui se cache derrière les propos tenus, d'en faire sa propre interprétation.

C'est un exercice difficile certes mais passionnant qui nous mène là au cœur du théâtre et au centre des relations humaines. Comme un puzzle dont on doit rassembler les morceaux. Mais qu'on ne parvient jamais à reconstruire entièrement laissant toujours ouvert le champ des possibles.

Nicole Bourbon

 

Dispersion (Ashes to Ashes)

de Harold Pinter
Mise en scène Gérard Desarthe

Avec 
Carole Bouquet
Gérard Desarthe 

Décors et costumes Delphine Brouard
Dramaturgie Jean Badin
Lumières Rémi Claude
Son Jean-Luc Ristord
Assistant à la mise en scène Jacques Connort
Taduction française Mona Thomas

Production Théâtre de l'Œuvre et Théâtre Montansier Versailles