Théâtre de la Colline
15 rue Malte-Brun
75020 PARIS.
01 44 62 52 52
Du 16 mai au 15 juin.
Du mercredi au samedi 21h, mardi 20h et dimanche 16h.
À croire qu’il n’y a plus de pièces de Thomas Bernhardt à monter : voilà qu’on s’attaque aux romans. Ce n’est pas complètement artificiel. Le travail d’adaptation est fait ici avec intelligence et sensibilité par Claude Duparfait (par ailleurs comédien) et Célie Pauthe (par ailleurs metteur en scène) Trois parties, donc : la première où, avachi sur un fauteuil « à oreilles » le héros de cette histoire se gourmande d’avoir accepté l’invitation à une soirée artistique,
faite par des gens perdus de vue depuis une trentaine d’années. Il imagine les conversations creuses, les phrases éculées autour de la mort par suicide de Joana, une amie commune. Au bout d’une quarantaine de minutes, commence la seconde partie : nous sommes à la soirée. L’occasion de nous confronter aux invités, une romancière qui se la joue, un comédien égocentrique, plus le couple invitant, les Auersberger. Chacun y va de son monologue. On s’étripe sur des sujets dérisoires, on aligne les clichés, comme
le narrateur en avait eu l’intuition. M. Auersburger est saoul. Il joue du piano. La romancière et le comédien s’invectivent. La troisième partie, avant le départ des invités, est plus apaisée. Il y a une sorte de dédoublement, chacun ressurgissant comme personnage du roman et assaisonnant ses réplique de « dit-il » ou bien « je pensais ». Et le narrateur, tout en restant assis à sa place, évoque sa fuite éperdue dans les rues de Vienne, heureux d’être enfin débarrassé de ces stupides personnages.
Personnages auxquels il tient : après tout, ce sont des amis encombrants mais présents. Comme la ville de Vienne, qui lui inspire des sentiments mitigés, oscillant entre adoration et détestation.
L’adaptation, nous l’avons dit, est fort bien menée. Il y a le roman et plus que le roman. Les mots de Bernhardt et son ambiance plombée (ce n’est pas peu dire), ses fulgurances, également. Le narrateur se promet de « disséquer » les Auersburger au cours de la soirée. Il ne leur pardonne pas d’avoir « chié leurs constructions dans le paysage » et les qualifie aimablement d’ »onanistes sociaux ». « Le moulin de l’art viennois broie tous les artistes », déplore le comédien,
entre des commentaires sur Ravel ou la difficulté de jouer tel ou tel personnage d’Ibsen ou de Strindberg.
C’est encore une fois Vienne et son intelligentsia artistique médiocre que démolit Bernhardt. A la fin, se crée une sorte de communion autour de la nature entre le narrateur et le comédien, moins superficiel qu’il n’y paraissait.
Mise en scène parlante et précise de Célie Pauthe. En narrateur, Claude Duparfait maîtrise son énorme morceau de prose du début. Il le vit. Nous y transporte. Les autres comédiens sont chacun à leur place, mais Fred Ulysse en cabotin sentencieux, colosse aux pieds d’argile, fait vraiment passer, surtout vers la fin, toute l’ambiguïté de la voix de Thomas Bernarhdt.
Gérard Noël
Des arbres à abattre
Avec Claude Duparfait, François Loriquet, Annie Mercier, Hélène Schwaller, Fred Unysse. Et Anne-Laure Tondu.
Scénographie : Marie La Rocca. Lumière : Patrice Lechevallier.
Vidéo : Mammar Benranou.
Costumes : Mariane Delayre.
Son : Aline Noustalot.
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