DÉPENDANCES
Studio Hébertot
78 bis, bd des Batignolles
75017 paris
01 42 93 13 04
Jusqu’au 29 avril
du mardi au samedi à 19h, dimanche 17h
Dépendances est un huis clos dans l’attente d’un événement qui doit se passer – en l’occurrence l’arrivée du frère – un événement qui n’arrivera pas. La profondeur de la situation se situe ailleurs que dans ce personnage attendu, mais dans ce qui va se passer lors de cette attente. Comme dit le sage : ce n’est pas la destination qui compte mais le voyage.
Dans ce voyage, il y a d’abord Henri, très propre sur lui, le frère idéal, sans vice, sans déviance, sans excès. Thibault de Montalembert corseté dans son costume, manteau, chemise est le bon fils, le bon frère, légèrement conforme à la norme.
Ensuite arrive, dans cet appartement de l’enfance en transit dont ils héritent, Tobias, le frère sanguin, virulent, hâbleur, populaire. Francis Lombrail qui sous une apparence brute, vertigineusement réaliste, cache une pâte sensible à l’extrême, une envie de vivre d’écorché.
Deux hommes face à face, dans l’instant tragique de l’héritage d’un appartement de famille dont il faut décider de l’avenir : s’en débarrasser, le garder.
De cette situation presque commune, triste et banale, Charif Ghattas extrait des thèmes beaucoup vastes : l’appartement devient symboliquement le passé commun de ces trois frères. Le passé. L’histoire. Les racines. Qu’en faire au moment de décider quoi en faire. Quoi faire des souvenirs ? Des sources claires qui carillonnent encore dans les mémoires ? Des parts d’ombres qui nous ont construits ?
Cette part d’ombre, ce secret qui flotte entre ces deux frères va peu à peu se dévoiler tout au long de la pièce. C’est à joute verbale inventive dans laquelle nous allons être emportés, à travers de laquelle il faudra deviner le vrai, du faux, l’important, du superficiel.
La confrontation des deux personnalités très extrêmes, deux frères comme deux branches issues du même tronc mais si différents, très bien. Et la situation est aussi très parlante. On imagine aisément cette histoire portée à l’écran dans un court ou un moyen métrage. Le rythme de la mise en scène évoque par moment ces panneaux sur des paysages, des architectures et des gros plans sur des objets, des mains, des regards. Sur scène et spécialement dans cette salle du studio Hébertot, pentue comme un toboggan, ces instants de silences, ces interstices lourds de sens s’égarent au sol, et se diluent trop.
Reste que la confrontation efficace et prenante des deux interprètes ainsi que la mise en scène sobre mais fluide de Charif Ghattas portent l’histoire de ces retrouvailles avec talent. Tant et si bien que la résolution de ce mystère semble presque anecdotique avec son réalisme froid, et faible. C’est bien cette joute verbale, ces exhumations de souvenirs, ces rituels vaguement compulsifs qui attisent l’intérêt et donnent valeur à l’instant.
Bruno Fougniès
Dépendances
Texte et mise en scène Charif Ghattas
Avec Thibault de Montalembert et Francis Lombrail
Mis en ligne le 23 avril 2018