DÉMONS
Théâtre du Rond Point
2 bis Avenue Franklin Delano Roosevelt
75008 Paris
Tél : 01 44 95 98 21
Jusqu’au 11 octobre
du mardi au samedi à 21h00
dimanche 15h00
Crédit photo : © Tristan Jeanne-Valès
Marina Foïs et Romain Duris incarnent un couple de dix ans d’âge, Katarina et Franck. Pourtant, malgré le temps ou à cause du temps qui a passé, tous deux sont toujours comme éventrés par une fusion passionnelle qui les jette violemment l’un vers l’autre. Ils se détestent autant qu’ils ne peuvent se passer l’un de l’autre. Ce sont deux grands brûlés qui ont échangé leurs peaux.
Anaïs Demoustier et Gaspard Ulliel sont deux jeunes parents qui habitent l’appartement du dessous. Ils s’aiment eux aussi, mais leur amour a l’aspect d’une harmonie basée exclusivement sur une vie de famille à gérer. Les enfants et la fadeur du quotidien…
C’est la confrontation d’un soir entre ces deux couples que Lars Norén nous raconte. Une histoire qui fait penser à Qui a peur de Virginia Woolf mais aussi à l’Échange de Claudel. Le jeune couple se retrouve le temps d’une nuit jeté au milieu des déchirements de leurs voisins. Ils n’en sortiront pas indemnes.
Sexe, violence, perversion, provocation, débauche, alcool sont les ingrédients de cette joute charnelle et vaguement sadique. Manipulation des esprits, des sentiments. Il s’agit d’un jeu pervers en équilibre entre la haine et l’amour viscéral. Un jeu qui va faire exploser les certitudes béates de l’idéal bourgeois de la famille.
Dans un décor tournant qui nous dévoile l’intégralité de l’appartement de Franck et Katarina, les quatre interprètes de cette nuit déchirée semblent des êtres en perpétuel agitation, inquiétude. Ils n’arrêtent pas de circuler, de courir et de s’apostropher d’une pièce à l’autre. Ils se fuient et se suivent pour finir par se rejoindre pour une étreinte brève, un geste de violence ou une humiliation. C’est une course joliment orchestrée par Martial di Fonzo Bo. Sa mise en scène bien rythmée nous attache à ces personnages qui se dévoilent à chaque scène un peu plus, sans jamais tomber dans l’insupportable de la violence.
Il y a dans le jeu des interprètes, une retenue qui laisse entrevoir l’abîme sans jamais nous l’imposer.
Rien de facile pourtant à incarner ces personnages. Marina Foïs irradie une très féline sensualité de femme écorchée par l’amour, Romain Duris, cambré, sec, arrogant inocule par chacun de ses mots et de ses gestes le poison qu’il sent couler partout dans ses veines, Anaïs Demoustier et Gaspard Ulliel forment parfaitement un couple dont la naïveté est vite dévorée, une jolie jeunesse bien proprette soudain éclaboussée.
Et étrangement, quand le propos de l’auteur semble être de prouver l’inéluctabilité de la guerre des sexes dans les histoires amoureuses, et la fatalité du malheur dont elles sont marquées, on ressort de cette pièce plutôt gourmand de passion qu’effrayé.
Bruno Fougniès
Démons
De Lars Norén
Traduction Louis-Charles Sirjacq
En collaboration avec Per Nygren - Publication L'arche
Mise en scène Marcial Di Fonzo Bo
Décor et lumières Yves Bernard
Musique Etienne Bonhomme
Costumes Anne Schotte
Collaboration artistique Elise Vigier
Avec : Anaïs Demoustier, Romain Duris, Marina Foïs, Gaspard Ulliel
Mis en ligne le 30 septembre 2015