DANS LE FRIGO
Théâtre de la Tempête/Cartoucherie,
Route du Champ-de-Manoeuvre,
75012 Paris
01 43 28 36 36
Jusqu’au 20 octobre
du mardi au samedi 19h30
dimanche 15h30
Photo © Hélène Bozzi
Dire ou ne pas dire ? c'est la question.
Dire ce que le titre cache... et que l'on ne sait pas en entrant, à savoir qu'il y a trois pièces en une (pour quatre heures de spectacle environ).
D'abord, pas de surprise, nous avons droit au "Frigo" de l'illustre Copi. L., un personnage évaporé paresse sur son fauteuil. Il monologue, ressasse sa vie passée de mannequin et son activité actuelle, à savoir écrire ses mémoires. Copi, mince et brun, a créé ce rôle. Le confier à un colosse chauve et barbu paraît une gageure, mais c'est en fait une excellente idée et l'interprète, Eddie Chignara fait des prodiges. On suit avec jubilation ses provoc's petites ou grandes, ses pépipéties domestiques (ballet de femmes de ménage, soucis avec sa majordome... et surtout la livraison d'un frigo, offert à L. Par sa mère !)
Oui, tout cela date des années quatre-vingt : on pouvait encore y vilipender pour rire le politiquement correct, faire état de derniers outrages infligés à L., ou évoquer un personnage sniffant ce qu'il avait envie de sniffer. Le bon temps. Enfin presque, puisque la rage désespérée du personnage (et de l'auteur ?) se conjuguent pour former un ensemble des plus prenants.
Passons à la suite, à pas de loup : on nous invite donc à assister sans transition (mais en changeant de salle !) à une autre pièce, signée d'une auteur élisabéthain; Elle dépeint la "résistible ascension" d'un personnage sans états d'âme, qui veut s'élever à tout prix, quitte à occire un certain nombre de "gêneurs" dont le roi, excusez du peu.
Tout y est et y est bien : le jeu sur une scène "en rond", comme au temps du théâtre "le Globe"... la mise en scène épurée, le jeu, "plein de bruit et de fureur", dominé par un Bruno Blairet en grande forme. Il faut le voir hurler, se démener, trembler, faire le bravache... inspiré par une épouse (brillante Céline Milliat-Baumgartner) qui sera visité à son tour, et comment, par le remord. Au prix de quelques coupes, tout ceci dure une heure et quelques. Pause, avant que la réplique "Ah, ces gants, ces éternels gants..." n'ouvre sur une autre œuvre plus contemporaine, celle-ci. On aura reconnu ces deux servantes qui jouent à imiter leur maîtresse, dans un cérémonial fascinant et funèbre... qui ménera d'ailleurs l'une des deux à la mort. Grandiose et excessif, Laurent Ménorel (déjà vu en Macduff dans la pièce précédente) ne laisse pas indifférent. Soyons juste, il fait jeu égal avec ses deux partenaires féminines : la fine Louise Grifberg et surtout (une révélation !) la secrète et têtue Anne-Lise Heimburger.
À l'appui de sa démarche, le metteur en scène (également directeur du Théâtre de la Tempête) plaide pour une communauté d'inspiration des différents auteurs : "Un cheminement dans les recoins inavouables de nos âmes, la recherche de ce qui est dissimulé, enseveli dans nos coeurs, scellé dans nos frigos intérieurs."
On ne saurait mieux dire.
Une soirée surprenante et baroque. Mêlange de genres mais qualité garantie.
Gérard Noël
Dans le frigo
d'après Copi.
Mise en scène : Clément Poirée
Avec : Bruno Blairet, Eddie Chignara, Louise Grinberg, Anne-Lise Heimburger, Pierre Lefebvre-Adrien, Mathieu Marie, Laurent Ménoret, Céline Milliat-Baumgartner
Scénographie : Ewan Creff
Lumières : Kelig Le Bars assistée de Camille Lamy
Costumes : Hanna Sjödin, assistée de Stéphanie Gibert
Maquillage et coiffures : Pauline Bry
Habillage : Emilie Lechevalier
Collaboration artistique : Nicolas tejera assisté de Pauline Labib
Régie générale : Farid Laroussi
Mis en ligne le 16 septembre 2019