Ancien officier de marine marchande (ce n'est pas une blague) Alexandre Papias, l'auteur, est né en 1964. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il s'est surtout fait connaître pour des comédies, notamment « Antithérapie ». Mais l'envie le tenaille, visiblement, de dire des choses. D'où le thème de sa nouvelle pièce, la tolérance et délicat problème des racines. Comment vivre avec ? S'en glorifier ou au contraire les cacher ?

Toujours est-il qu'ici, le jeune Kader décide, pour trouver enfin du travail, de se faire appeler Kay. Il se coiffe d'une perruque blonde (qui le fait ressembler à Steevy !) se déclare Australien… et vogue la galère. Il est vite embauché par une importante société et s'élève rapidement, ceci au grand dam de son copain Jules, chômeur malgré son nom bien français. Passent aussi par là Anne, la sœur de Jules, plutôt cassante et entière et Mathilde, une étudiante sur laquelle Jules a des vues. Au passage, on aura droit à des vannes un peu faciles (un étudiant asiatique s'appelle Dominique Blanc) ou des clichés assumés par les personnages : « Mieux vaut un Viet qu'un Arabe ! » On comprend, bien sûr, que tout ceci est fait pour renvoyer chacun des personnages à ses contradictions, à commencer par Kader qui se répand avec force sur  les supposés travers des Arabes en général et de ceux du quartier en particulier. Même chose pour Anne et Jules qui tout en se disant ouverts, remettent sur le tapis la sempiternelle guéguerre entre les Normands et les Bretons. Les seconds auraient donc « tout piqué » aux premiers et, conclut Jules, « Jamais mon père, Normand, n'accepterait une Bretonne comme bru. »

La mise en scène est alerte et utilise bien le décor ; les comédiens se tirent plutôt bien de l'entreprise : Vincent Maître est zen à l'excès et Daphné Hausman se réserve quelques échappées délirantes du meilleur effet. Une mention spéciale à Frankie Wallach (Anne) et surtout Mehdi Meskar, cool la plupart du temps mais susceptible de sortir de ses gonds quand on le chatouille sur l'essentiel, à savoir le fameux problème des origines. Au final une pièce encore un peu jeune (il y a de l'acidité dans le texte et les rouages manquent parfois d'huile) mais qui se suit sans déplaisir. Et, comme souvent, les comédiens ont un bonheur communicatif à jouer.

Gérard Noël

 

Croisière dans la baie de Sydney

Pièce de Alexandre Papias
mise en scène : Hugo Rezeda.

Avec : Frankie Wallach, Daphné Hausman, Vincent Maitre, Mehdi Meskar.