CRIME ET CHÂTIMENT
Théâtre de l'Atalante
10 place Charles Dullin
75018 Paris
01 46 06 11 90
Jusqu'au 9 février
Les lundis, mercredis et vendredis à 20h30
Les jeudis et samedis à 19h
Les dimanches à 17h
Relâche les mardis.
Photo Maurizio Giuliani
Adapter un roman de 600 pages au théâtre est toujours une gageure. Il y a fatalement des épisodes ou des personnages qui ne peuvent être donnés sur scène. Mais le roman de Dostoïevski possède l'avantage de focaliser l'action sur un seul personnage principal : Rodion Romanovitch Raslkolnikov. C'est à travers les actes, les pensées et les yeux de ce personnage que se déroule la trame.
Benjamin Knobil, qui signe adaptation et mise en scène, nous emmène donc dans la course éperdue de ce jeune ancien étudiant qui tue une usurière par esprit de justice et de liberté et se retrouve étranglé par les doutes, les remords et finalement le désir torturant de tout avouer pour se libérer de l'enfer cérébral où l'a jeté son acte.
Autour de lui, le monde miséreux des ouvriers, des petits fonctionnaires, de la maladie, de la prostitution, du manque de tout. Une Russie que l'adaptation propulse au 20ème siècle comme si la misère, l'abus des riches sur les pauvres et la lutte pour survivre des classes défavorisés étaient de tous temps les mêmes. Il y a des échos forts et volontaires avec notre monde actuel. La Russie prérévolutionnaire et la Russie de Poutine comme deux ressemblances.
Une question cruciale est posée par ce monde d'injustice : peut-on vivre honnêtement quand la société semble récompenser de ses bienfaits les malhonnêtes, les criminels et les voleurs ? Quand un Napoléon, un Staline sont portés au Panthéon avec leurs mains tâchées de sang ?
Les êtres forts d'un côté, et la foule des ordinaires de l'autre.
Raskolnikov est un révolutionnaire à sa manière. Il agit pour les autres, mais son acte est un symbole, un symbole qui ne peut exister que s'il le reconnaît. Le dilemme est là. Son crime est un acte gratuit s'il reste dans l'ombre, pire que gratuit : un acte purement mercantile, sauvage et bas.
Un plateau tournant aux multiples décors nous entraîne de lieux en lieux à la suite de notre héros, à la découverte de cette société. Ce qui donne une vivacité et une fluidité scénique très efficaces (sans parler du moment où cette tournette se met à tourner comme un manège pour emporter nos personnages dans un métro ou un tramway). Ce système apporte aussi une sorte d'exiguïté très réaliste où les personnages se glissent de tableaux en tableaux comme si ce monde de portes, de cloisons, de murs (la ville) était une prison étroite et contraignante.
Mais l'action finit par se focaliser sur la traque ingénieuse mise en œuvre par le juge Porphyre pour démasquer le coupable (une composition magnifique faite de ruse, de bonhomie et de fatalisme : réjouissant).
C'est une belle performance pour ces cinq comédiens qui endossent une quinzaine de rôles dans une mise en scène huilée.
Un seul regret : que le personnage de Raskolnikov semble fuir les regards alors qu'il est le regard qui scanne la société où il lui a été donné de vivre. Une sensation qui éloigne de ce personnage alors qu'il est assis sur notre épaule lorsqu'on lit le roman.
Bruno Fougniès
Crime et châtiment
Adaptation et mise en scène Benjamin Knobil,
Avec : Dominique Jacquet, Loredana von Allmen, Romain Lagarde, Mathieu Loth, Frank Michaux
Assistanat à la mise en scène Agathe Hauser,
Dramaturgie Carine Corajoud
Lumière Laurent Nennig,
Décor Jean-Luc Taillefert,
Assistante décor et suivi de tournée Stéphanie Lathion,
Costumes Olivier Falconnier,
Décor sonore Jean-Pascal Lamand,
Transformation des têtes et accessoires Viviane Lima