CONVULSIONS
Théâtre Ouvert
4 bis Cité Véron
75018 Paris.
01 42 55 55 50
Jusqu’au 9 février 2019
les mardis et mercredis à 19h
les jeudis, vendredis et samedis à 20h.
C’est une tendance qui ne date pas d’hier : convoquer des mythes anciens pour parler de notre époque. Leur tordre le cou, prendre des libertés avec eux, pour évoquer telle ou telle problématique. Ici l’auteur, poète, novelliste et dramaturge guinéen tire la pièce vers la violence actuelle et le thème de la vengeance.
Atrée et son frère Thyeste commencent, pour ne pas avoir à partager le pouvoir, par tuer leur frère bâtard : Atrée est violent avec sa femme Érope, qui va le tromper avec Thyeste. Un enfant naît, dont Atrée suppose fortement (tests ADN à l’appui) qu’il est de son frère. Ivre de colère, il fait cuisiner l’enfant et le donne à manger à Thyeste. Il le lui révèle ensuite, mais les tests (approximatifs) prouvent finalement que l’enfant était bien d’Atrée.
On voit qu’il y a beaucoup, dans cette pièce qui commence sur un terrain de basket. Six jeunes gens sont là, qui vont se glisser dans la peau des personnages.
Trouvaille : ils seront l’un ou l’autre, changeant même en cours de route. Pour éviter (approche brechtienne) toute identification excessive, chaque réplique est soulignée par un autre comédien d’un : « Thyeste dit » ou bien « Atrée dit »... C’est intéressant : on mesure ainsi la relativité de ce qui se passe. Nous sommes bel et bien au théâtre et on ne nous l’envoie pas dire.
Au théâtre, généralement, nous n’avons pas droit aux pensées des personnages, à leurs hésitations, à leurs non-dits. Ici, si. Le commentaire permet d’introduite des « Elle pense » ou « elle va pour dire » ou encore « il s’abstient de dire ». De même (mais cela s’est vu ailleurs) les didascalies sont dites, ce qui accentue la distance (parfois ironique) avec ce qui se passe en scène.
Tout ce "dispositif" serait fastidieux, il pourrait l’être. Mais la force de l’histoire est telle qu’elle survit à tout : à la modernisation (qui nous montre Atrée plongé dans son ordinateur ou deux personnages désireux de s’embarquer pour les U.S.A.)
Le décor, simple, se renouvelle avec bonheur. Le passage des comédiens face public disant leur texte à des déplacements plus "signifiants" , fonctionne.
Tout ceci est magnifié, et comment, par le jeu des comédiens.
Ils passent, eux, du désespoir à la méfiance ou à la colère. Ils jouent le jeu. Ils sont Érope ou Thyeste ou Atrée. Ils y croient vraiment et nous aussi. Ils sont présents, ils bougent bien, ils assurent, comme on dit.
Qui sait si Sénèque (où il est) ne serait pas pleinement en accord avec cette approche "pleine de bruit et de fureur", sorte de passerelle entre la barbarie des temps anciens et la nôtre, qui n’en est parfois pas si éloignée ?
Gérard Noël
Convulsions
De Hakim Bah.
Mise en scène : Frédéric Fisbach
Avec : Ibrahima Bah, Maxence Bod, Madalina Constantin, Lorry Hardel, Nelson-Raphaell Madel, Marie Payen
Dramaturgie : Charlotte Lagrange
Scénographie : Charles Chauvet
Créatrice lumières : Léa Maris
Créatrice son : Estelle Lambert
Assistant mise en scène : Imad Assaf
Mis en ligne le 20 janvier 2019