Espace KIRON
10 rue de la Vacquerie
75011 PARIS
à 20h 30 du 13 au 17/12/2011
Centre Culturel de LA RICAMARIE, les 27 et 28/03/2012
Espace Le Corbusier, à FIRMINY, le 30/03/2012
Gilles Granouillet, auteur né en 1964, est de Saint Etienne et bien ancré dans sa ville : c’est dire si la question ouvrière est aussi au cœur de sa problématique. L’autre versant, déjà creusé dans « Trois femmes descendent vers la mer » ou bien « l’envolée », c’est la question des relations entre frères et sœurs. Leur place, leur rôle, … comment, devenu adulte, se débrouille-t-on avec ce personnage à la fois si proche et si lointain. « Un frère, dit le proverbe,
c’est un ami donné par la nature. » On verra ici que les choses sont loin d’être aussi simples.
Dans « Combat », il s’agit d’une fille et de son demi-frère. On l’a toujours préférée, elle, d’autant qu’elle a réussi. Le frère, lui, est au chômage. Sa femme trime, durement, aux abattoirs du coin. La remise de la médaille du travail à leur mère va être l’occasion de leurs retrouvailles. Il n’est pas si paradoxal que ça que leur premier face à face n’intervienne que lorsque la sœur a un problème et même un sérieux, puisqu’elle a tué un homme.
Ce qui est passionnant, c’est que ces destins, tracés à la pointe forte (on frôle parfois le glauque) sont sous-tendus par du social, et toute une gamme de frustrations et de compensations provisoires qui ne demandent qu’à se manifester en explosant comme des mines oubliées. Ainsi, quand la sœur, plutôt aisée, est draguée sur un quai de gare par un inconnu, elle se présente à lui comme si elle était sa propre mère, une bouchère aux droits rougis et gourds d’avoir
saigné tant de bêtes. Gloria, la femme, est ouvrière mais connaît Soutine. Le frère, être fruste, nous fait partager ses confidences et affirme, sentencieux : « Beaucoup de gens ont le temps pour regarder pousser les idées. » L’inconnu sur le quai de gare en évoque un autre, celui que la mère avait elle-même rencontré et qui lui avait fait un enfant.
Mise en scène sobre et inspirée de Jacques Descorde. Dans un lieu modulable, traversé de néons, des personnages s’agitent. On aurait envie de les tenir à distance, tant leur médiocrité parfois ou leur façon d’être englués dans un déterminisme (social et familial) peut gêner. En même temps, chacun joue sa vie. Ce qui surgit sous nos yeux, conformément aux vœux de Descorde, c’est la notion de « gros plan ». Ce qui veut dire utilisation efficace de la technique
(lumières, micro) mais aussi le jeu des comédiens, poussé jusqu’au bout, jusqu’à la cruauté.
En la matière, Jean Alibert (le frère) promène sa force et ses excès de façon troublante. Maryline Even (la femme) porte dans son corps et son jeu, tout un passé de souffrance et de soumission. Elle ne luttait plus mais voilà qu’à un moment donné elle crie stop. Elle va réagir. Se battre. Dans la partition délicate de la demi-sœur, Carole Thibaut est celle qu’il fallait : son physique lisse et agréable laisse filtrer des failles. C’est un sourire qui se fait grimace,
une façon de se déshabiller ou de tenir convulsivement un couteau. De s’appuyer également sur un passé d’amour et de confiance en soi pour tâcher de redresser la barre à son avantage. En inconnu, en flic ou en boucher, Stéphane Schoukroun convainc. Il finit la pièce assis à l’endroit exact où nous l’avions découvert en arrivant : la boucle est bouclée, la vie ne fait que ressasser ses convulsions en forme de faits divers.
Gérard NOEL
Combat
Texte Gilles GRANOUILLET
Mise en scène et scénographie Jacques DESCORDE
Avec : Jean ALIBERT, Maryline EVEN, Stéphane SCHOUKROUN, Carole THIBAUT
Lumières David LAURIE
Musique Christophe PERRUCHI, Éric THOMAS
Production La Compagnie des Docks et Travelling Théâtre
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