CHÂTEAU EN SUÈDE

Théâtre de la Jonquière
88 rue de la Jonquière
75017 Paris
01 42 29 78 79

Jusqu'au 7 décembre 2013

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Mis en ligne le 5 décembre 2013

Château en Suède

On fêtera en 2014 les 10 ans de la disparition de Françoise Sagan et les 60 ans de Bonjour Tristesse. Et voilà une excellente idée de monter à nouveau Château en Suède, la première de Françoise Sagan, connue aussi pour les versions cinématographiques et télévisuelles signées Roger Vadim, André Barsacq ou Josée Dayan (qui offrit alors son dernier rôle à Guillaume Depardieu). Et pas seulement à titre commémoratif.

 Ce huis-clos dans un château coupé du reste à cause de la neige montre à quel point le thème du désœuvrement et des distractions amoureuses, ou pseudo-amoureuses, qu'il occasionne est le fil conducteur de l'œuvre saganesque.

« On va bien s'amuser avec vous, mon petit Frédéric » déclare Sébastien au beau jeune homme bien naïf qui pénètre dans le château de l'étrange famille Falsen sans savoir dans quel engrenage terriblement pervers il est en train de s'engager. Le jeu de séduction qu'il croit maîtriser va en effet rapidement lui échapper au fur et à mesure qu'il découvrira, comme le spectateur, l'envers du décor et la réalité de ce qui s'y trame. Nous pourrions alors croire que nous ne sommes plus chez Marivaux, mais plutôt chez Laclos, voire chez Jean Genet. La pièce, toutefois, reste une sorte de vaudeville, un vaudeville certes cruel et décadent, féroce et distancié, mais un vaudeville quand même, et c'est en ce sens que nous la fait comprendre la mise en scène d'Ariane Raynaud, quitte à laisser, une fois le rideau tombé, certains spectateurs un peu interrogatifs sur ce qui s'est passé.

Même s'ils n'ont pas toujours l'âge des rôles et si quelques-uns ne sont parfois pas très à l'aise pour interpréter un personnage plus grand qu'eux – notamment pour celui d'Hugo, qui peine à faire peur, ou pour celui d'Ophélie, réduite à une sotte – les jeunes comédiens de la Troupe en bois donnent toute leur énergie et imposent un rythme soutenu à ce Château en Suède, jusque dans des intermèdes musicaux qui semblent surtout leur faire plaisir sans apporter autre chose qu'un peu de distance et de folie. Les rôles secondaires, comme celui du serviteur Gunther par exemple, contribuent à donner de l'insouciance à l'ensemble de la production.

Quoi qu'il en soit, entre quelques parties de jeu de piquet et quelques verres d'alcool, Frédéric sera la victime du machiavélisme des désabusés de l'amour. Quand, avec le charme et la maturité de ses 28 ans, et sous le velours de ses grands yeux félins, Eléonore (Laure Roldès, très convaincante, tout comme Clément Martin en Sébastien) lui déclare que « les femmes ne demandent pas à être comprises, mais à être tenues », il réalise qu'il avait tout faux et l'on se dit que non, décidément, l'amour n'est pas chose si légère.

Frédéric Manzini

 

 

Château en Suède

de Françoise Sagan
Mise en scène : Ariane Raynaud assistée de Juliette Delvienne

Avec : Clément Martin, Laure Roldès, Clément Bourdeleau, Sidonie Gaumy, Eva Freitas, Yoni Nahum et François Baillon

Costumes et décors : Thalassa Albertin
Communication : Anne-Lise François
Technique : Ugo Schimizzi