Théâtre de la Tempête
Cartoucherie
Route du Champ-de-Manœuvre
75012 Paris
01 43 28 36 36

Jusqu’au 10 juin 2018
Du mardi au samedi 20h30
Dimanche 16h30

 

Photo © Benjamin Porée

Un trouble de l’identité sexuelle est un mal dont on parle peu. Xavier Dolan avec Laurence Anyways a œuvré à montrer la complexité de ce trouble et la difficulté à se faire comprendre par son entourage, perdu face à cette dichotomie entre l’enveloppe corporelle et le sentiment d’appartenance à un autre genre. Dès le premier siècle de notre ère, Ovide relate dans Les Métamorphoses la légende d’Iphis et Iante. Pour échapper à son père, Iphis a été élevé en garçon. Il tombe amoureux d’Iante. Une transformation divine lui permettra de devenir homme et de rendre la perspective du mariage possible.

Simon Bourgade et Camille Bernon s’inspirent du mythe et de l’histoire vraie de Brandon Teena, transgenre américain d’une vingtaine d’années, violé et assassiné par ses amis en 1993. Le merveilleux travail dramaturgique permet la réussite de cette adaptation ambitieuse. Camille Bernon incarne Axel, sa justesse tient véritablement le spectacle. Un fort sentiment d’empathie nous emporte – la crainte qu’il soit démasqué, la souffrance face à son amoureuse Léna qui ne sait pas, la résilience face à ses « amis » qui le violent et torturent psychologiquement, le désespoir final. Les autres comédiens ont une belle énergie même si Pauline Bolcatto, terriblement drôle dans le rôle de Stéphanie, est peu crédible dans celui de la mère.

Le changement de discours – d’un phrasé rapide à la manière des adolescents au vers – enrichit le propos. Toutefois, les différents registres ne sont pas joués par les personnages de façon constante. Axel fête son anniversaire, les jeunes s’expriment en verlan, avec une intonation caricaturale qui fait penser à celle des banlieues. Or, lors des ellipses temporelles, interrogés face caméra par un psychologue, ils évoquent Axel et l’événement dramatique avec une diction parfaite et une intonation maîtrisée, loin de celle à laquelle le spectateur s’était habitué. La scénographie est ingénieuse, les différents espaces dramatiques cohabitent parfaitement et le passage d’un lieu à un autre est réalisé avec une grande finesse. Le mélange des références sociologiquement déterminées dans la mise en scène pose question. Le manque de réalisme est-il voulu ? Il est curieux que des jeunes qui ne s’intéressent qu’aux filles et à l’alcool pour tromper l’ennui, regardent Arte lors d’une soirée d’anniversaire. Certes, nous pouvons interpréter cette image en ne s’attardant qu’à sa signification première, ce qui met, cependant, en cause la pertinence du propos.

Change Me est un beau spectacle porté avec brio par Camille Bernon. L’évocation de ce trouble sur un plateau de théâtre est rare. C’est un pari audacieux qui doit être vu par la jeune génération de spectateurs. L’histoire d’Axel nous emporte. Le propos est grave, son traitement incroyablement intelligent.

Alexandra Diaz

 

Change Me

avec Camille Bernon, Pauline Bolcatto, Pauline Briand, Baptiste Chabauty et Mathieu Metral
Regard extérieur Mathilde Hug
Scénographie Benjamin Gabrié
Création vidéo Raphaëlle Uriewicz
Lumières Coralie Pacreau
Son Vassili Bertrand
Conception dessin animé Marie Blandine Madec
Réalisation dessin animé Angèle Chiodo d'après le film de Susan Muska et Greta Olafsdottir