CEUX DE MALEVIL |
À La Folie Théâtre Né le 28 août 1908 et décédé le 27 mars 2004, Robert Merle, le « plus grand romancier de littérature populaire en France » (Le Monde du 1er avril 2004), profondément marqué par la guerre et par sa captivité de 1940 à 1943, a beaucoup traité dans ses romans de la hantise du lieu clos et de la guerre. Il est également l'auteur entre autres de la fresque historique « Fortune de France » et de « Week-end à Zuydcoote ». C'est toujours un exercice périlleux d'adapter un roman au théâtre, le premier multipliant souvent les personnages et n'offrant aucune limite d'espace ni de temps. Jérôme Dalotel, avec l'autorisation d'Olivier Merle, fils de l'écrivain, s'y est attelé et signe également la mise en scène de cette version du célèbre Malevil qui avait déjà connu une adaptation cinématographique par Christian de Chalonge en 1981. Le roman, paru en 1972 nous raconte comment réagissent les survivants d'une catastrophe nucléaire dont on ne sait rien si ce n'est qu'elle ne laisse aucune retombée radioactive et que la nature reprend vite ses droits (le blé pousse, on entend le bruit de la pluie et de l'orage). Du roman qui nous promenait en divers lieux, Jérôme Dalotel n'a gardé que la cave du château et a conservé de toutes les péripéties les réactions du groupe qui survit à Malevil, confrontant les idées sur la religion, la politique, la place des femmes dans la société, le monde rural, le rôle du chef, certes sous l'angle d'une mini-communauté mais qui renvoient à notre société. Dans une mise en scène resserrée, au gré de scènes séparées par des « noirs » les jours, les semaines puis les mois défilent avec leur lot de questions et d'affrontements : Qui doit diriger ? Comment ? Pourquoi ? Faut-il faire le choix de la démocratie ? Ou attendre qu'un leader charismatique ne se dégage ? Comment s'organisent les relations entre les groupes humains ? Quelle est la place de la religion ? Les comédiens sont tous excellents, parfaitement distribués, ils se coulent avec une aisance et un naturel prodigieux dans la peau de leurs personnages et la tension dramatique monte ainsi que la violence jusqu'à la scène finale, bouleversante. Deux des personnages sont morts, qu'adviendra-t-il des autres ? La question reste posée. Le noir se fait sur scène. Quand la lumière revient pour le salut, les comédiens ont encore durant un bref instant le regard perdu de celui qui revient d'un long et difficile voyage. Puis rapidement ils redeviennent eux-mêmes, sourient, plaisantent. À chaque spectacle, ils redeviendront le charismatique et déterminé Emmanuel, le susceptible Colin, rongé par la culpabilité d'être encore vivant, Momo, le fils handicapé de La Menou, l'ancienne servante du château, Peyssou, grand, fort, un peu rustre , Meyssonnier, le communiste, et ceux du village voisin, Miette, la muette, Catie et leur demi-frère Jacquet ainsi que l'énigmatique prêtre Fulbert. Et ils confronteront de nouveau le public à ses peurs, ses incohérences, ses intolérances et ses doutes. Ceux de Malevil, un spectacle dont on ne sort pas indemne.
Nicole Bourbon Ceux de Malevil D'après Malevil de Robert Merle Mis en scène et adaptation : Jérôme Dalotel http://www.compagniedesbarriques.com
|