CERTAINES N’AVAIENT JAMAIS VU LA MER

Théâtre des Quartiers d’Ivry
1 place Pierre Gosnat
Ivry-sur-Seine
01 43 90 11 11

Jusqu’au 25 janvier

En tournée :

30 au 2 février 2019, Comédie de Valence, CDN Drôme Ardèche
13 au 15 mars 2019, Théâtre Dijon Bourgogne, CDN de Dijon  

 

Certaines n’avaient jamais vu la mer loupe Photo © Jean-Louis Fernandez

Première image. De jeunes femmes asiatiques dans la fleur de l’âge sur le pont d’un bateau à destination des États-Unis. Elles ont été promises à de jeunes hommes japonais habitant en Californie. Elles rêvent à leur vie future, heureuse. La désillusion tombe comme un couperet qui leur lacère le vagin, le ventre et l’âme.

« Certaines n’avaient jamais vu la mer » retrace l’histoire méconnue des Américano-Japonais de 1907 à 1942 en Californie. Le spectacle est la première adaptation théâtrale du roman de Julie Otsuka, « The Buddha in the Attic » traduit dans 22 langues. Une voix chorale féminine multiplie les expériences, les témoignages pour nous donner à voir un théâtre sensible, à la lisière du documentaire. Ces jeunes femmes ont été manipulées par leurs maris, de simples fermiers, la meilleure race d’ouvriers à la merci du patron blanc. S’ensuit la naissance de la seconde génération née aux États-Unis mais perçue comme étrangère. Quand le Japon attaque Pearl Harbor en décembre 1941, cette communauté de la Côte Ouest déjà vulnérable va être considérée comme impie et envoyée dans des camps de concentration.

La scénographie, les lumières, les costumes projettent des images qui resteront dans les esprits. Tout est montré, la brutalité, la violence mais sans crudité. La première nuit des jeunes femmes fait penser au Sacre du Printemps de Pina Bausch. Les corps tentent de s’échapper, en vain. La terre battue, les mouvements répétitifs et saccadés du travail de récolte filent ce rapprochement. C’est magnifique. La tristesse des jeunes femmes est toujours perceptible. La voix chorale transmet la pluralité des expériences mais noie leur singularité. Nous entendons la narration romanesque sur le plateau, au détriment du jeu. Ce sentiment est lié à l’essence même du projet – l’adaptation du roman -, car la dramaturgie restitue parfaitement la délicatesse de la prose. L’apparition de Nathalie Dessay qui incarne la vision des familles américaines proches de cette communauté, inquiète de leur sort, est réussie. Ceci tient à son chant, un moment de grâce. Voilà, un théâtre fin, intelligent et sincère !

Alexandra Diaz

 

Certaines n’avaient jamais vu la mer

Texte Julie Otsuka
Traduction Carine Chichereau
Adapté du roman The Buddha in the Attic
The Marsh Agency Ltd,
incorporating Paterson Marsh
Ltd and Campbell Thomson
& McLaughlin Ltd
© Julie Otsuka, 2011

Adaptation et mise en scène Richard Brunel
Dramaturgie Catherine Ailloud-Nicolas
Scénographie Anouk Dell’Aiera
Costumes Benjamin Moreau
Son Antoine Richard
Lumière Laurent Castaingt
Vidéo Jérémie Scheidler
Assistante à la mise en scène Pauline Ringeade

avec
Simon Alopé, Mélanie Bourgeois, Youjin Choi, Yuika Hokama, Mike Nguyen, Elivuth Ty, Linh-Dan Pham, Chloé Réjon, Alyzée Soudet, Kyoko Takenaka, Haïni Wang et Natalie Dessay

 

Mis en ligne le 19 janvier 2019