CE QUE LES ENFANTS RACONTENT À LEURS PARENTS QUAND ILS DORMENT ... |
À la Folie-Théâtre
La scène est nue et, dans la pénombre, la comédienne allongée évoque un orgasme. Cela commence comme ça. Elle bouge un peu et se relève. Et l'histoire commence. Où est-elle ? Pourquoi ? À travers ses propos hachés, on y voit plus clair peu à peu. Ils étaient trois, jeunes. Elle et deux garçons. Amour, insouciance et l'idée qui s'immisce, peu à peu, de faire un braquage. Ce braquage tournera mal, il y aura fuite, échange de coups de feu. C'est une histoire qui en vaut une autre. « Mais des histoires, Monsieur, disait Céline, les journaux en sont pleins ! » Et justement celle-ci a fait la une de la presse en octobre 1994. Mais là n'est pas l'important, c'est plutôt le traitement qui compte. Que l'auteur ait sans doute lu et relu Marguerite Duras n'est pas anodin : il en a gardé le pire, les tics : les « dit-il » ou « il a dit » et les répétitions. De même, il est dommage que des phrases comme « Quand le ciel est muet, les hommes sont sourds » aient pu être conservées. Parfois, la machine s'emballe : on a alors l'impression que ce sont des poèmes qui ont été recyclés dans le texte, sans raison valable. Citons : « Il disait : c'est à feu doux qu'on y mijote. » Ou bien « Personne ne vit plus pour nous, alors il faut vivre à en mourir. » Ceci dit cette pièce a le mérite d'exister. Il y a des trouvailles, bien sûr, comme ce « on y va ! » qu'on retrouve comme leit-motiv à l'amour, la fuite ou comme prélude à la mort (Freud s'en serait frotté les mains). L'autre constante, plutôt riche en possibilités, étant « Cela commence comme ça » L'idée de mêler les lieux et les actions, au fil tordu du souvenir est porteuse. Quant à l'évocation de l'enfance et des parents, elle est bien venue. Ici les éléments sont amenés en douceur, sans forcer et ils passent. La pièce nous donne à voir, surtout, une magnifique comédienne en la personne de Céline Pitault : elle fait bien ce qu'elle a à faire (mise en scène minimaliste de Aïcha G'ssir). Elle est à la fois fragile et obstinée. Plantée là, en tee-shirt blanc et jean, elle nous regarde. Nous interpelle. Elle tient son personnage et son texte. Peut-être pourrait-elle varier davantage son jeu mais la prose de Ludovic Longelin est contraignante et n'offre que peu de libertés. Côté éclairages, c'est la discrétion qui règne, ce qui sert bien le propos. On en retiendra une bulle oppressée : celle qu'une meurtrière par hasard (ou par erreur) projette sur le public. Au final, le public, jeune, lui fait une ovation. Et ne plane plus, sur scène que le souvenir, bien réel celui-là, de trois vie gâchées.
Gérard Noël
Ce que les enfants racontent à leurs parents quand ils dorment ... Pièce de Ludovic Longelin. Avec Céline Pitault
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