CALME |
Théâtre des Amandiers Le décor est celui d'un hôtel-restaurant des années 1970 désespérément vide, déserté par ses clients depuis longtemps. L'ambiance est celle de la fin d'une époque révolue où la famille en présence était encore unie et heureuse. Désormais, plus personne ne semble croire en l'avenir parmi les quatre membres qui la composent. Lena, la mère digne, reste la plus sereine malgré le cancer dont elle est atteinte et qui ne lui laisse plus que quelques mois à vivre. Par amour pour elle, mais aussi pour ne pas regarder son propre échec en face, Ernst, le père vieillissant, usé par les difficultés matérielles et rongé par l'alcoolisme, tente tant bien que mal de faire bonne figure. Se rend-il bien compte du drame qui se noue ? Pourtant personne n'est dupe, et certainement pas les deux fils. Ni Ingemar, l'aîné, lucide jusqu'au cynisme, un homme dur, froid, sec et au vocabulaire cru, qui déclare ouvertement n'avoir d'amour et d'estime que pour sa mère. Ni John, le cadet, plus excentrique, un poète qui est parti à Stockholm pour mener une vie de bohème et qui se retrouve plongé malgré lui dans l'enfer du huis-clos familial auquel il avait jadis voulu échapper. En attendant que ces personnages partent chacun de leur côté vivre autrement leur existence et leur malheur, ils se frottent les uns aux autres avec violence et passion. C'est d'ailleurs surtout pour ces quatre portraits que la pièce autobiographique de l'auteur suédois Lars Noren le fils écrivain, c'est lui mérite d'être vue. Même si elle est sombre, longue, lente et parfois difficile, ses résonances existentielles renvoient chaque spectateur à ses propres interrogations, à la difficulté qu'on peut avoir à trouver sa place dans la famille, et à l'impossibilité de dire l'amour qu'on lui porte. Ces échos résonnent longtemps après que le rideau tombe sur les acteurs, tous très convaincants et bien servis par la mise en scène sobre mais efficace de Jean-Louis Martinelli. Mention spéciale à Christiane Millet, pour l'élégance qu'elle met à vivre sa déchéance, et à Jean-Pierre Darroussin, qui parvient à nous faire sentir proches de cet anti-héros dépassé par le quotidien de la vie.
Frédéric Manzini
Calme de Lars Norén Avec : Production : Théâtre Nanterre-Amandiers
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